Devenir antiraciste : de petits pas le long du chemin
Le présent blogue fait partie d’une série de blogues qui paraitront tout au long de 2017. On y explique ce qui a précipité l’initiative actuellement en cours au CCNDS pour devenir antiraciste de manière plus intentionnelle. On sera ainsi mieux en mesure de mettre en pratique les connaissances qui aideront la santé publique à traiter du racisme et de la racialisation dans ses milieux de travail et à considérer le racisme comme étant un déterminant structurel de la santé et un problème d’iniquité au sein de la population.
Il n’y a pas vraiment de point de départ pour mon témoignage, alors je vais commencer par mon arrivée au Centre de collaboration nationale des déterminants de la santé (CCNDS) à titre de directrice scientifique en décembre 2010. Comme tout le monde, j’ai transféré dans mes nouvelles fonctions mes expériences personnelles et professionnelles. J’ai grandi aux États-Unis dans une famille blanche et progressive durant la période du mouvement en faveur des droits civils. Même si j’ai fait partie du Congress of Racial Equality (congrès pour l’égalité raciale) durant mon adolescence, ce n’est que dans la vingtaine et la trentaine, une fois installée au Canada, que j’ai commencé à constater le racisme inhérent à mes comportements supposément empreints de bonté et dénués de racisme. Le changement organisationnel et le perfectionnement professionnel lors de mes passages à Women Healthsharing et à Santé publique Toronto m’ont poussée à penser et à agir différemment.
Les visées du CCNDS pour établir une série de processus prometteurs et de rôles pour la santé publique afin de faire avancer l’équité voulait dire que nous ne mettions pas la race – ou, quant à cela, tout autre déterminant particulier – au cœur de nos efforts. Nous avons néanmoins fait de petits pas. Le premier a consisté à embaucher de manière à assurer intentionnellement une diversité raciale et ethnoculturelle. Comme je devais tenir compte de nombreuses considérations, je n’ai pas réussi à atteindre la mixité visée. Cela dit, l’une des forces de notre équipe est que le tiers du personnel, et de notre conseil consultatif, est de race autre que blanche. En 2014, Sume Ndumbe-Eyoh, une spécialiste du transfert des connaissances au CCNDS qui est de descendance africaine et qui possède des compétences spécialisées en matière d’antiracisme, et moi-même avons co-animé au bureau une séance d’apprentissage sur le racisme et l’intersectionalité.
En 2015, à la suite de la parution du rapport de la Commission de vérité et réconciliation, nous avons décidé d’endosser plus formellement un rôle complémentaire à celui du CCN de la santé autochtone afin d’aider les organismes et les praticiens de la santé publique à redoubler d’efforts pour réduire les iniquités de santé vécues par les Autochtones du Canada. Le président de notre conseil consultatif, Louis Sorin, pdg d’End Homelessness Winnipeg et un gardien du savoir traditionnel cri, a participé avec nous à une journée de réflexion et nous a parlé de la difficulté de devenir des alliés du combat des peuples autochtones pour l’autonomie, le respect et l’équité. Il a comparé la perspective non autochtone par rapport aux connaissances à une perle constituée d’une seule surface lisse : une seule connaissance. Dans ce paradygme, notre recherche de connaissances exige que nous cherchions les vérités universelles, la « perle » de la sagesse ou les connaissances au centre de la question. Pour faire un parallèle, Louis Sorin a comparé les connaissances autochtones à un diamant constitué de plusieurs facettes, toutes vraies, mais perçues différemment selon votre position devant le diamant. L’équipe a joué au jeu Coup de grâce! et fait l’activité Crossing the Line, des activités de groupe qui montrent les effets du privilège. Au début 2016, des membres du personnel de tous les CCN ont suivi le cours sur la compétence culturelle autochtone offert par Rose LeMay, directrice de Santé du Nord et des Autochtones de la Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé.
Dans notre plan de travail 2016-2017, nous avons inclus un projet à deux volets. Le premier consiste à énumérer et à décrire certains des partenariats entre la santé publique et des communautés autochtones qui ont porté des fruits, et le deuxième, à entreprendre notre propre apprentissage sur le plan organisationnel afin de devenir des alliés capables d’œuvrer pour la santé des peuples autochtones, en nous servant de notre expérience comme modèle possible pour les organismes de santé publique.
L’été dernier, notre équipe s’est vue confrontée à un incident entre certains membres du personnel, ce qui nous a obligés à traiter de la question du racisme et des incidents de racisme au sein du personnel et parmi nous. L’incident en question n’était pas imprévisible et trouvera écho chez les lecteurs racialisés qui travaillent en santé publique : un courriel a été envoyé et a eu un effet imprévu – mais percutant – sur une membre du personnel de couleur. Quand elle a fait connaître l’effet produit sur elle, le reste du personnel a eu la réaction typique des gens socialement protégés de tout malaise racial. Je ne peux parler que de ma propre réaction et de mon manquement à titre de directrice : je ne me suis pas rendu compte de l’impact que pouvait avoir le courriel quand je l’ai vu dans ma boîte aux lettres. J’ai souligné qu’il fallait abandonner la conversation par courriel dès que j’ai senti de la tension , mettant malencontreusement cet échange sur la glace. Je n’ai pas saisi l’affliction ressentie par la personne de couleur au bureau, j’ai centré mon attention sur la membre du personnel de race blanche sans accorder la priorité aux dommages causés à la personne de couleur. Dans mon processus de prise de décision, je n’ai pas su tenir compte des expériences personnelles et professionnelles de racisme de groupe et institutionnel que vit notre personnel de couleur. Je croyais écouter et inviter équitablement tout le monde à s’exprimer. En rétrospective, je me rends compte que j’aurais pu mieux écouter. Mon erreur a servi à me rappeler brutalement qu’il fallait en tout temps faire preuve de vigilence et renforcer ses compétences pour mettre un terme au racisme.
J’ai immédiatement décidé d’utiliser notre journée de réflexion prévue en septembre pour engager encore plus le CCNDS dans le changement organisationnel, l’acquisition des connaissances et des compétences et l’aide à apporter à la santé publique pour lutter contre le racisme. Ce qui est ressorti de cette journée de réflexion et l’engagement envers le changement sont racontés dans un autre blogue sur le sujet et intitulé Devenir antiraciste : une initiative du CCNDS.
Ce que je viens de décrire est une série de petits pas importants qui ont conduit le CCNDS à son initiative actuelle visant à intensifier les apprentissages personnels ainsi que les changements organisationnels et d’équipe. On m’a aidée à me rendre compte que, pendant que le personnel de race blanche apprend et désapprend, le personnel de couleur est amené à se rappeler de l’écart entre les membres du personnel en termes d’expérience du racisme et des trajectoires d’apprentissage. En tant que gestionnaires et en tant qu’équipe, on nous pousse à créer un espace et à offrir le soutien organisationnel nécessaires aux différentes expériences et aux besoins d’apprentissage du personnel de race blanche ou non. Nous ferions mieux de valider la contribution du personnel racialisé de par les connaissances issues de leur expérience du racisme et d’en tirer profit. Et, dans notre cas, nous avons la chance de pouvoir compter sur les compétences professionnelles et organisationnelles de Sume. Ce faisant, nous cherchons à placer Sume en position de co-leadership, sans lui donner le fardeau de diriger les changements que nous devons tous, surtout le personnel blanc, effectuer.
Les efforts de notre équipe en matière d’apprentissage et de changement – et le fait de vous en parler – sont opportuns. Notre analyse du contexte de 2014, Aviver l’intérêt : appliquer les connaissances pour faire avancer l’équité en santé, poussait le CCNDS à entamer les conversations difficiles et à diriger une réflexion de première importance sur les questions et les défis habituellement mentionnés et souvent complexes. En santé publique, il ne fait aucun doute qu’une action fondée sur des données probantes pour changer le visage de la race, du racisme et de la racialisation comme déterminants structurels des iniquités de santé constitue un sujet de conversation ardu et complexe. Au printemps 2016, Sume et Pemma Muzumdar, coordonnatrices conjointes des communications pour les six CCN, ont participé à la création d’une séance plénière intitulée « Équité en santé, justice sociale et racialisation de la société canadienne », lors de la conférence Santé publique 2016. La séance est l’une des séances qui a reçu la meilleure évaluation de l’histoire des conférences de l’ACSP, ce qui laisse supposer qu’il était grand temps et urgent d’aborder la question. Afin de profiter de l’intérêt et de l’inclination à continuer la conversation, Santé publique 2017 comportera une plénière qui fera suite à celle de 2016, et le CCNDS est encore une fois co-organisateur.
Lisez le texte intitulé Devenir antiraciste : une initiative du CCNDS qui traite de notre initiative pour devenir de meilleurs praticiens et alliés antiracistes en santé publique. Revenez consulter notre site Web et lire nos prochains blogues sur le sujet.