Investir dans les familles : Développer la résilience pour atténuer les iniquités en santé mentale
Le présent billet de blogue rédigé par l'infirmière de la santé publique Linh Nguyen (Santé publique Toronto) porte sur le projet inter-division sur la résilience qu’elle a présenté lors de la conférence 2019 des Infirmières et Infirmiers en santé communautaire (IISCC), qui a eu lieu à Saint John (Nouveau-Brunswick). Soulignons que Patricia Stevens, spécialiste en promotion de la santé, et Nicolette Slovitt, gestionnaire en matière de développement et de santé de l’enfant, à Santé publique Toronto, ont également contribué à ce billet de blogue.
Promouvoir la résilience chez les individus et les familles aide à l’établissement de relations plus saines et plus joyeuses avec eux-mêmes et les autres. Les personnes et les collectivités qui établissent leur propre stratégie pour renforcer leur capacité de résilience présentent un risque moins élevé d’anxiété et de dépression, ce qui augmente leur degré de mieux-être physique et mental global[1]. Apprendre à mieux surmonter les difficultés normales de la vie peut permettre de réduire la détresse ressentie souvent associée à l’adversité.
Durant l’enfance, l’expérience de vie, le milieu physique, le soutien social et la capacité d’adaptation ont des répercussions sur la santé mentale à long terme[2]. Il s’agit d’un facteur important à prendre en considération par les intervenants de la santé publique et leurs partenaires de la collectivité qui travaillent auprès des familles. Selon une étude menée sur l’état de santé des enfants de l’Ontario en 2014[3], environ un enfant et un jeune sur cinq dans la province souffrent de troubles mentaux. Étant donné que 70 % des problèmes de santé mentale commencent à se manifester dès l’enfance ou l’adolescence, il est impératif de promouvoir auprès des familles les stratégies de santé mentale positives pour ces périodes de la vie[4].
Certaines familles doivent en plus porter le lourd fardeau de la pauvreté. Dans la ville de Toronto, un enfant sur quatre et un adulte sur cinq vivent dans la pauvreté[5, p. 145-149]. La pauvreté est un déterminant social de la santé. Elle exerce une influence sur la façon dont les enfants viennent au monde, grandissent et font l’expérience de la vie. La pauvreté agit directement sur la santé mentale et le mieux-être tout au long du parcours de vie[3, 6].
Investir dans les familles : Atténuer l’impact de la pauvreté et promouvoir la santé mentale positive
La question du développement de la résilience est un facteur important à prendre en compte pour les acteurs de la santé publique et leurs partenaires communautaires qui travaillent auprès des familles. En 2019, Santé publique Toronto, les Services d’aide à l’emploi et d’aide sociale de Toronto et la Division des parcs, des forêts et des loisirs de Toronto ont étendu leur démarche coopérative, afin de fournir des services aux familles qui reçoivent de l’aide sociale par l’entremise du programme Ontario au travail. Leur démarche, appelée « Investir dans les familles », porte bien son nom.
Le grand objectif du projet Investir dans les familles est d’atténuer l’impact de la pauvreté et d’accroître la prospérité des familles où grandissent des enfants et des jeunes[7]. Pour ce faire, il fallait veiller à accroître les connaissances et les compétences des infirmières et infirmières de la santé publique en matière de résilience et à ce que les fournisseurs de services qui sont partenaires du projet comprennent le concept de manière similaire. En se familiarisant avec les stratégies de résilience, l’ensemble des parties prenantes pourront encore mieux aider les familles.
Renforcer le savoir-faire du personnel
Les familles qui bénéficient du projet Investir dans les familles sont celles les plus souvent frappées par les aléas de la vie les plus susceptibles de nuire à la santé mentale positive de leurs enfants mais aussi des personnes qui en prennent soin. Pour renforcer la capacité du personnel à appliquer la théorie de la résilience, et ainsi mieux soutenir les familles, on a donné une formation à 95 des membres du personnel des trois divisions partenaires du projet Investir dans les familles.
Parce que le concept de la résilience entre en jeu dans l’atténuation des facteurs de risque associés aux familles vivant dans la pauvreté, l’équipe du projet Investir dans les familles a présenté une demande de subvention unique au gouvernement provincial, qui a consenti à la demande d’aide aux initiatives de promotion de la santé mentale chez les enfants et les jeunes. Grâce au projet Investir dans les familles, les partenaires de la Ville de Toronto ont pu approfondir leurs connaissances sur la théorie de la résilience et ses applications concrètes et pratiques.
Rencontrer les partenaires pour discuter de la stratégie
Afin de mieux faire comprendre la résilience, on a demandé à Michael Ungar, Ph. D., de donner un atelier de deux jours au personnel des divisions partenaires. M. Ungar est un chercheur et spécialiste du soutien et du maintien de la résilience dans les familles de diverses origines culturelles qui vivent des iniquités structurelles. Son atelier portait sur les stratégies de base à employer pour promouvoir le sain développement de l’enfant. Les participants ont ainsi compris qu’il est possible d’aider les enfants, les jeunes et les familles ayant des besoins complexes en les amenant à renforcer leur résilience[8].
M. Ungar a expliqué que la résilience des jeunes dépend de facteurs comme :
- pouvoir compter sur des réseaux de soutien social propices à de saines relations familiales;
- développer un sentiment de contrôle de soi et d’appartenance;
- se sentir en sécurité.
Par exemple, les enfants capables de compter sur un soutien et une structure qui leur permettent de se sentir en sécurité sont moins susceptibles de développer des problèmes de santé mentale.
Comme partenaire du projet inter-division, le service de santé publique a la possibilité d’aider les familles à mobiliser leurs réseaux de soutien afin d’entretenir des relations positives. Grâce aux partenariats avec d’autres secteurs, il peut plus facilement coordonner ses services de manière à faciliter l’accès aux programmes de loisirs, de camps et de leadership afin de favoriser la participation des enfants et des jeunes vivant dans la pauvreté. De telles activités aident les jeunes à donner un sens à leur vie et à se bâtir une vie sociale positive.
Promouvoir la résilience — soutenir la jeunesse
Une fois que les partenaires du projet inter-division ont tous compris la théorie de la résilience de la même manière, ils devaient maintenant mettre leurs connaissances en pratique. Les trois services ont recruté des jeunes afin de les faire participer à des groupes de discussion et de se renseigner sur les stratégies à mettre en place pour que les jeunes se sentent en sécurité et prennent avantage des programmes de santé publique.
En termes de logistique susceptible de les encourager à se prévaloir des programmes, les jeunes ont mentionné plusieurs « impératifs », y compris l’accès au wi-fi, l’offre de transport et les rafraîchissements. En outre, la plupart ont déclaré vouloir apprendre le code de conduite à suivre pour participer à ce genre de groupe. Ils ont également suggéré qu’on leur en apprenne plus au sujet du leadership et de la manière d’adopter des habitudes leur permettant d’améliorer leur santé mentale positive, individuellement et entre eux.
Les commentaires ont mené l’équipe du projet Investir dans les familles à organiser un atelier sur la promotion du mieux-être et à offrir un programme de formation en hygiène et salubrité alimentaires à l’intention des jeunes. L’attestation en manipulation des aliments est un bon atout à inscrire dans le curriculum vitae et facilite l’embauche.
Conclusion
Les organismes qui fournissent des services de soutien aux familles veulent aider au développement de la résilience et de la santé mentale positive de toutes les cellules familiales. Les relations de travail collaboratif et inter-division comme celles qu’entretiennent les partenaires du projet Investir dans les familles sont essentielles à la prestation de services intégrés afin de promouvoir la santé mentale positive des familles vivant dans la pauvreté.
Pour aider les familles à améliorer leur état de santé physique et mentale global, il est impératif de diminuer l’impact de la pauvreté en enseignant les stratégies de base à mettre en pratique pour mieux savoir affronter les aléas de la vie. L’aide offerte durant l’adolescence permettra aux jeunes d’apprendre à tirer leur épingle du jeu, même dans les situations difficiles de la vie comme le fait de grandir dans la pauvreté. Cela peut aussi les aider à entrer dans la vie adulte en ayant les outils nécessaires pour assurer leur santé mentale positive à long terme.
Le projet Investir dans les familles ne vise pas à éliminer la pauvreté. Renforcer la résilience nécessaire pour surmonter les situations découlant de cette pauvreté ne suffit pas. Dans le domaine de la santé publique, il faut travailler avec des partenaires et plaider pour mettre un terme à l’iniquité du revenu, aux conditions de logement inadéquates et aux autres situations socioéconomiques qui déterminent l’état de santé physique et mentale des individus, des familles, des collectivités et de la population en général.
Références bibliographiques
1. Reivich, K. et A. Shatte. (c2003). The resilience factor: seven keys to finding your inner strength and overcoming life’s hurdles. New York (É.-U.) : Harmony.
2. Gouvernement du Canada. (c2019). « Déterminants sociaux de la santé et inégalités en santé », 25 juillet 2019 [Internet]. Ottawa (Ont.) : Gouvernement du Canada [cité le 8 novembre 2019], [environ 6 écrans]. Récupéré de https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/promotion-sante/sante-population/est-determine-sante.html
3. Waddell, C., K. Georgiades, L. Duncan, J. Comeau, G. Reid, W. O’Briain et coll. (2019). Étude de santé des enfants en Ontario 2014 : Implications politiques au Canada [résumé de recherche sur Internet]. Hamilton (Ont.) : Enquête sur la santé des jeunes Ontariens [cité le 8 novembre 2019]. Récupéré de https://ontariochildhealthstudy.s3.amazonaws.com/uploads/sites/2/OCHS_Policy_Brief_French.pdf
4. Association canadienne pour la santé mentale, Ontario. (c2019). « Santé mentale des enfants et des jeunes [Internet]. Toronto (Ont.) : CMHA Ontario, date inconnue [cité le 8 novembre 2019], [environ 3 écrans]. Récupéré de https://ontario.cmha.ca/fr/documents/sante-mentale-des-enfants-et-des-jeunes-signes-et-symptomes/
5. Ville de Toronto (2018). City council issue notes, 2018-2022 [dossier de synthèse du conseil municipal sur Internet]. Toronto (Ont.) : Ville de Toronto [cité le 7 novembre 2019]. 236 p. Récupéré de https://www.toronto.ca/wp-content/uploads/2018/12/9598-City-Council-Issue-Notes-2018-2022.pdf (en anglais)
6. Commission des déterminants sociaux de la santé. (2008). Combler le fossé en une génération : Instaurer l’équité en santé en agissant sur les déterminants sociaux. Rapport final de la Commission des déterminants sociaux de la santé [Internet]. Genève (Suisse) : Organisation mondiale de la Santé [cité le 11 novembre 2019]. Récupéré de https://www.who.int/social_determinants/thecommission/finalreport/fr/
7. Browne, G., C. Byrne, J. Roberts, A. Gafni et S. Whittaker. (Décembre 2001). When the bough breaks: provider-initiated comprehensive care is more effective and less expensive for sole-support parents on social assistance. Social Science & Medicine. Vol. 53, no 12, p. 1697-1710.
8. Ungar, M. [Internet]. (Date inconnue). « “Diagnosing” resilience across cultures and contexts: seeing the positive in young people even when there are serious problems ». Halifax (N.-É.) : Michael Ungar, Ph. D., date inconnue [cité le 11 novembre 2019], [environ 1 écran]. Récupéré de http://www.michaelungar.com/about-michael/sample-presentations/ (en anglais)