Renforcer le savoir-faire des communautés par la mise en œuvre des connaissances partagées dans l’étude sur le coût de la COVID 19
Ce récit de « L’équité en action » est tiré d’une entrevue avec :
- Dre Eva Purkey, médecin de famille, Département de médecine familiale, Université Queen’s
- Dre Imaan Bayoumi, médecin de famille et clinicienne-chercheuse, Département de médecine familiale, Université Queen’s
- Dre Colleen Davison, épidémiologiste, Département des sciences de la santé publique, Université Queen’s
- Autumn Watson, directrice des programmes, Cercle autochtone de santé du diabète (IDHC)
Cette entrevue a eu lieu en août 2022, et les détails du récit doivent être remis dans le contexte de cette période.
Grâce à son projet de recherche concernant le coût de la COVID 19, qui cible l’aspect collaboratif comme une priorité dans les protocoles de recherche, le Département de médecine familiale de l’Université Queen’s élargit ses frontières institutionnelles. L’engagement d’une associée de recherche autochtone, l’intégration de méthodes d’acquisition des savoirs autochtones et l’établissement d’un comité de supervision qui représente en son sein la voix des communautés autochtones ont mené vers une recherche significative et des enseignements qui peuvent être mis en pratique. Les résultats de cette étude ont confirmé la pertinence d’orchestrer une planification dirigée par les autochtones et fondée sur les communautés. Cette façon de faire a permis le lancement de programmes de manière optimale pour résoudre certains « coûts » sociaux et émotionnels de la COVID 19. |
Notre équipe de recherche, du Département de médecine familiale de l’Université Queen’s, a reçu initialement du financement en interne afin d’être en mesure d’offrir du soutien pour résoudre rapidement les problèmes liés à la COVID 19. Avec ce financement, nous avons commencé la recherche « The Cost of Covid: A Study to Understand the Social and Emotional Impacts of the Pandemic » (Le coût de la COVID 19 : une étude pour comprendre les répercussions sociales et émotionnelles de la pandémie [traduction]). Nous avons analysé ces répercussions de la pandémie dans les communautés, y compris celles des peuples autochtones.
L’objectif de cette recherche était de briser les confinements théorique et universitaire afin que cette étude soit pertinente dans la vie réelle des gens et dans leur situation de tous les jours au sein de la communauté. Depuis le début, tous les membres de notre équipe se sont entendus pour réaliser cette recherche de la bonne façon, même si cela prenait plus de temps. Bien que nous ne sachions pas exactement quelle trajectoire suivre pour y arriver, cette compréhension mutuelle nous a permis de prendre notre temps et d’évoluer ensemble.
La force de la collaboration avec les communautés autochtones partenaires
Nous reconnaissions que pour réussir à produire une recherche pertinente et solide, nous devions commencer par solliciter la contribution des communautés locales autochtones afin d’obtenir des informations et une rétroaction de leur part. Dès les premières phases de recherche, nous avons présenté notre étude au Conseil de santé autochtone. Autumn, membre du Conseil de santé autochtone, s’est jointe à titre bénévole à l’équipe de projet pour partager ses observations pendant le processus d’élaboration de la recherche. Notre financement s’est consolidé avec l’ajout de celui obtenu de la Physician Services Incorporated Foundation (Fondation des Services de médecins incorporés [Fondation PSI]) pour appuyer Autumn du Cercle autochtone de santé du diabète (IDHC) et ainsi, assurer sa fonction de manière permanente dans l’équipe de recherche.
Obtenir du financement pour appuyer Autumn était essentiel à la mise en œuvre du projet sur le coût de la COVID 19. Lorsque les universités ou les chercheurs travaillent avec les communautés autochtones, il y a souvent une absence d’établissement d’une véritable relation durable. Autumn a joué un rôle essentiel en développant le projet et en établissant des liens significatifs avec les communautés autochtones locales directement et d’une manière constante.
Les communautés autochtones peuvent parfois se sentir intimidées par la recherche ou par l’idée de collaborer avec des universitaires et méfiantes à l’égard de divers aspects de la recherche, ce qui est très compréhensible vu les pratiques coloniales historiques et qui perdurent encore aujourd’hui. Grâce à la confiance des communautés envers Autumn, elle a bâti un pont permettant l’ouverture nécessaire des communautés pour réaliser et optimiser une recherche qui s’appuie sur leurs réalités. À l’aide des ressources de l’équipe, Autumn a été en mesure de participer à des activités au sein des communautés, sensibiliser leurs membres à l’étude sur le coût de la COVID-19, répondre à leurs questions et discuter des incidences de cette recherche. Il était crucial de prendre le temps de discuter de la recherche avec les communautés plutôt que de simplement récolter des renseignements.
Autumn est connue et a la confiance des communautés, alors ce partenariat officiel était instrumental au succès de la recherche. Notre équipe s’était engagée à respecter les principes de gouvernance des données autochtones, ce qui a mené à la création d’un comité de supervision fondé sur une base de représentation des communautés autochtones. Ce comité est constitué d’un échantillon représentatif de personnes provenant des communautés qui ont contribué à guider l’analyse et diffuser les résultats du projet.
Vaincre les obstacles structurels et institutionnels afin de prendre le temps de construire des relations
Alors que le projet évoluait, les obstacles institutionnels et systémiques qui pouvaient nuire à l’engagement significatif des communautés dans une recherche qui s’appuie sur l’expérience communautaire sont devenus évidents. Par exemple, les formulaires de consentement pouvaient contenir du langage intimidant, ou encore, fixer des périodes d’entrevues d’une heure (une pratique habituelle) pouvait être insuffisant pour construire une relation de confiance. Une part de l’intention de renforcer la capacité d’engagement et de le rendre représentatif doit se refléter en comprenant que mener des entrevues avec des membres des communautés demande du temps. Il était important de prévoir du temps, par exemple, pour un échange traditionnel du semaa (tabac) ou pour une cérémonie de purification par la fumée (smudging)a avant de commencer les questions de l’entrevue.
La souplesse dans les processus de recherche, pour permettre de passer du temps avec les communautés et construire des relations avec elles, est déterminante dans une recherche qui s’appuie sur l’expérience communautaire. Nous devons respecter les besoins en temps, nécessaires aux communautés, pour « digérer » l’information, puis aller de l’avant. Très souvent, il existe une forte pression sur les chercheurs afin qu’ils obtiennent des résultats rapidement. Nous avons obtenu du soutien de cette équipe, mais aussi de la part de l’Université Queen’s pour amorcer des changements nécessaires au sein du système général afin que les processus de la recherche facilitent l’engagement avec les communautés autochtones locales au lieu de l’empêcher. En retour, les résultats que nous avons compilés étaient beaucoup plus riches et plus exhaustifs.
Partage des résultats avec les communautés pour honorer nos nouvelles relations
Trop souvent les recherches sont conduites par des chercheurs et ensuite soustraites aux communautés qui n’entendent plus jamais parler d’elles. À la fin du projet, nous avions une quantité abondante de données pour différents publics démontrant le « coût de la COVID 19 ». La flexibilité dans les méthodes de collecte des données, qui comprenaient les entrevues prises à l’aide d’un logiciel d’enregistrement numérique, a permis une compréhension riche, approfondie et holistique des besoins, des points de vue et des priorités des communautés.
En octobre 2021, nous avons tenu un large cercle de partage communautaire aux abords du lac Ontario, à Kingston, en Ontariob. La journée a débuté avec Grand-mère Kate Brant, détentrice de connaissances respectée dans la région de Katarokwi. Les étudiants et les chercheurs ont partagé les résultats de recherche, les Autochtones du cercle de supervision ont parlé de leurs expériences du projet d’étude et la communauté a célébré cette journée par un festin traditionnel et l’échange de cadeaux. Ce cercle de partage des connaissances a créé un effet de groupe avec tous ceux et celles qui avaient participé au projet, mais aussi, au-delà de l’équipe, il a permis d’intégrer des chercheurs externes et des membres des communautés.
En plus du rapport écrit, nous avons des documents infographiques pour schématiser les résultats en formats accessibles. Le fait d’être en mesure d’assembler toutes les pièces de la traduction des connaissances pour les communautés était formidable. La plus importante rétroaction que nous avons reçue de la part des membres des communautés qui étaient présents était qu’ils étaient reconnaissants de constater que leurs voix se reflétaient dans la recherche et que ses résultats reviennent dans leur communauté d’une manière compréhensible pour eux.
Mise en œuvre de la recherche dirigée localement
L’effort déployé par l’équipe pour développer des résultats traduisibles et accessibles a permis d’étendre la portée de l’étude pour qu’elle soit utile aux partenaires communautaires locaux, aux organisations de planification, ainsi qu’aux organismes et autorités de la santé publique. Globalement, notre processus de diffusion nous a propulsés vers un nouveau projet de suivi inattendu, soit l’initiative Aki Gimiinigonaa Mshkooziiwin ou le « projet Aki » réalisé en partenariat avec le Kingston Indigenous Languages Nest (Cœur des langues autochtones de Kingston [traduction]) et le Cercle de santé du diabète, et financé par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Certains résultats de l’étude sur le coût de la COVID 19 serviront dans le projet Aki.
Par exemple, un des résultats qui est ressorti de manière évidente du projet sur le coût de la COVID 19 était l’importance de la sécurité alimentaire pour les peuples autochtones de Kingston. L’accès aux cérémonies et aux terres sont deux aspects clés de la sécurité alimentaire qui ont été encore plus fragilisés pendant la pandémie. En raison de la force avec laquelle ces résultats sont ressortis de nos processus de recherche holistiques, nous avons été en mesure d’assurer le financement pour programmer la mise en œuvre d’une solution novatrice de sécurité alimentaire, fondée sur les forces, la capacité d’engagement et la terre des Autochtones. Une autre action découlant de ce projet a été la création d’une « carte postale » du consentement de recherche, en réponse aux commentaires de la communauté au sujet des formulaires de consentement existants, qui étaient considérés comme intimidants. Nous avons créé un formulaire de consentement d’une seule page qui souligne quelques éléments clés du consentement afin qu’il soit plus accessible aux communautés autochtones et à d’autres groupes communautaires.
Il était important de reconnaître que la planification sur la manière de mettre en œuvre les résultats globaux obtenus devait être pensée au niveau local. La mise en œuvre efficace de programmes exige une compréhension des besoins particuliers des communautés et une mise en contexte de l’information et, donc, ne peut être dirigée par un établissement universitaire. Ce sera uniquement possible si elle est dirigée localement et à travers les partenariats que nous avons développés.
Ce n’est qu’un commencement : encore plus de travail à accomplir pour une recherche universitaire fondée sur l’équité
Dans ce projet, nous avons construit des relations éloquentes avec nos partenaires qui sous-tendent le respect et la participation des communautés autochtones à toutes les étapes de la planification, de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation. Notre équipe a commencé à surmonter certains obstacles institutionnels pour s’engager entièrement avec les communautés, et nous sommes impatients de poursuivre ce processus. Il n’existait aucune notion de hiérarchie au sein de l’équipe, et nous avions tous une ouverture d’esprit incroyable qui nous a permis d’aller de l’avant ensemble avec la vision d’ensemble du projet en tête. Nous étions tous motivés, et encore aujourd’hui, par la certitude que les résultats de cette étude et les processus que nous avons développés, qui sont issus d’une recherche fondée sur les communautés et l’engagement, contribueront à améliorer l’équité dans les recherches universitaires.
Leçons retenues :
Prendre le temps nécessaire pour s’engager de manière significative avec les communautés autochtones pour des résultats probants et holistiques qui peuvent se traduire par des actions concrètes. |
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Officialiser la fonction des membres des communautés autochtones dans les équipes universitaires (p. ex., un associé de recherche ou un membre du cercle de supervision), avec une compensation et une participation adéquates. |
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Diffuser les résultats de la recherche participative dans les communautés en tant qu’élément déterminant des processus de recherche pour honorer les voix qui sont représentées dans celle-ci. |
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Obtenir le soutien des établissements universitaires pour les organisations fondées sur la représentation autochtone afin de diriger et de mettre en œuvre les résultats de recherche. Les communautés ont une meilleure compréhension de leur histoire et de leur contexte, de même qu’elles peuvent mieux se positionner pour comprendre les résultats de recherche et les mettre en œuvre. |
[a] Le terme anglais « smudging » renvoie à une cérémonie spirituelle réalisée par les peuples autochtones dans le monde entier. Pour les peuples d’anichinabés (ojibwés), le smudging consiste à brûler les quatre plantes sacrées : le tabac (semaa), le cèdre, la sauge et le foin d’odeur. (https://www.georgiancollege.ca/wp-content/uploads/Smudging-StaffNews.pdf [en anglais seulement])
[b] Ce rassemblement s’est fait en respectant les protocoles émis par la santé publique pendant la pandémie, qui étaient en vigueur à ce moment-là.
Contexte :
Le Indigenous Health Council (Conseil de santé autochtone [en anglais seulement]) est un groupe de personnes issues de la communauté qui s’est réuni pour résoudre les questions importantes et soutenir la mise en œuvre de solutions dans la communauté, y compris l’accès aux services et l’équité en santé.
Ressources (en anglais seulement) :
Documents infographiques de l’étude sur le coût de la COVID-19:
- Child and family wellbeing during the COVID-19 pandemic (Bien-être des enfants et de la famille pendant la pandémie de COVID-19)
- The impact of COVID-19 on financial worry (L’incidence de la COVID-19 sur les inquiétudes financières)
- Food worry & mental health during the COVID-19 pandemic (Inquiétudes d’ordre alimentaire et de santé mentale pendant la pandémie de COVID-19)
- Importance of spirituality and community belonging among Indigenous people (L’importance de la spiritualité et de l’appartenance à la communauté chez les peuples autochtones)
Photo : “Knowledge Dissemination Circle Poster – Cost of COVID team”
Pour en savoir plus sur les initiatives décrites dans ce récit, veuillez communiquer avec le National Collaborating Centre for Determinants of Health (Centre de collaboration nationale des déterminants de la santé) à [email protected].
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