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Une aide culturellement adaptée au bout du fil pour lutter contre la COVID-19 grâce au Calgary East Zone Newcomers Collaborative

Une aide culturellement adaptée au bout du fil pour lutter contre la COVID-19 grâce au Calgary East Zone Newcomers Collaborative

21 juillet 2022

Ce récit rédigé dans le cadre du projet « L’équité en action » est tiré d’un entretien tenu avec Anila Lee Yuen, directrice générale et PDG du Centre for Newcomers et présidente du Calgary East Zone Newcomers Collaborative. La rencontre ayant eu lieu en septembre 2021, il importe de la situer dans son contexte d’alors.


Si l’anglais n’est pas votre langue maternelle, ce n’est pas la première langue qui vous vient à l’esprit si vous éprouvez de la fatigue ou de l’angoisse – même si vous maîtrisez bien l’anglais. C’est pourquoi il est si important d’avoir accès rapidement à notre ligne multilingue et à nos courtiers culturels en temps de crise. Le fait de pouvoir travailler de manière collaborative avec des lignes de crise fiables, éprouvées et sans artifice, comme la ligne 211, nous a permis de nous assurer d’utiliser les meilleures pratiques et de confirmer l’utilité de fournir une aide dans la langue première des gens, même après la pandémie. 

 

Le Centre for Newcomers (centre pour les nouveaux arrivants) est ce que l’on appelle un service d’aide à l’établissement des immigrants, pour les immigrants. Nous avons pour principale mission d’accompagner les nouveaux arrivants au Canada, y compris les résidents permanents, les sans-papiers, les travailleurs étrangers temporaires, les réfugiés et ainsi de suite. Un autre aspect de notre travail consiste à aider la population de Calgary (Alberta) à accueillir ces nouveaux arrivants.  

Notre principal organisme subventionnaire, c’est-à-dire Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, a créé des zones dans chaque ville et a mandaté un service d’établissement d’aider les nouveaux arrivants à l’échelle locale afin que personne ne tombe entre les craques du système. L’une de nos tâches consistait à trouver une façon pour les 17 organismes d’unir leurs efforts pour accompagner les nouveaux arrivants de Calgary (Alberta). Nous travaillons à cette fin de concert avec notre Calgary East Zone Newcomers Collaborative (organisme de concertation) depuis le début 2020. 

 

Passer à l’action et fournir une aide adaptée aux particularités culturelles 

Lorsque la deuxième vague de COVID-19 a frappé, notre équipe s’est aperçue qu’il fallait une intervention coordonnée et à plus grande échelle, surtout en sachant que les points chauds de Calgary se situaient dans le nord-est où vivent la plupart de nos bénéficiaires. Nous avons conçu un plan visant à mobiliser l’organisme de concertation pour nous aider à lutter contre la pandémie. Nous avons présenté notre plan à la Ville de Calgary, puis le maire l’a soumis au premier ministre. Nous sommes très reconnaissants envers le gouvernement provincial et l’administration municipale de nous avoir donné le feu vert et dégagé les fonds nécessaires rapidement. Le gouvernement fédéral mérite aussi notre reconnaissance, car il s’est tout de suite montré favorable à notre projet et n’a pas hésité à nous soutenir, au-delà de la subvention déjà versée.  

Grâce au soutien accordé, nous avons pu aller de l’avant dès décembre 2020. Nous avons aidé près de 15 000 personnes au cours des six premiers mois seulement. Nous recevons en moyenne entre 25 et 30 appels par jour par l’entremise de notre ligne multilingue dont s’occupe ActionDignity à l’aide d’un modèle de courtage culturel. Nous avons embauché des gens connus et respectés par les diverses communautés ethnoculturelles. Ces gens comprennent les besoins et parlent les langues premières des membres de la communauté. Ils peuvent donc répondre au téléphone et s’adresser dans la langue première de la personne à l’autre bout du fil. Nous disposons d’un système bien intégré grâce aux Services d’immigration de Calgary et à leur passerelle de données. Lorsqu’une personne appelle notre service, elle obtient de l’aide dans sa langue première. Le courtier culturel saisit ses renseignements dans la base de données, puis transmet l’information par Internet aux divers services vers lesquels nous aiguillons les gens. Ainsi, le centre pour les nouveaux arrivants reçoit le courriel d’alerte comportant les détails au sujet de la famille, y compris le groupe d’appartenance, les habitudes alimentaires, le nombre de personnes dans la famille, par exemple s’il y a deux enfants de moins de deux ans qui sont aux couches, et ainsi de suite. Pour les personnes en période d’isolement ou testées positives à la COVID-19, notre délai de traitement avant la livraison d’une épicerie est de 24 heures. Elles recevront en même temps la liste des autres organismes où elles pourront s’adresser dans leur langue pour obtenir de l’aide afin de répondre à leurs autres besoins, par exemple du soutien du revenu ou des services en santé mentale. Il s’effectue ensuite un suivi afin de confirmer que le contact s’est fait avec les prestataires et que les services sont assurés, ce qui permet de refermer la boucle. 

Nous avons constaté que 95 % de nos appels ont trait avant tout à la sécurité alimentaire. Ainsi, en termes d’équité, il y a un problème d’accès à de la nourriture appropriée et réconfortante culturellement tout en respectant la dignité.  

Les gens se heurtent à des barrières pour obtenir les aliments de base. Au Centre pour les nouveaux arrivants, nous avons mis sur pied à l’intention des immigrants un programme de cuisine collective appelé EthniCity Catering au début des années 2000. Le programme a pris de l’ampleur et est devenu une entreprise sociale. Comme nous disposons d’une cuisine commerciale, d’instructeurs et d’aides-cuisiniers dûment qualifiés, la communauté nous a demandé de les aider avec les paniers alimentaires et les repas à cuisiner pour certains abris et services d’hébergement et autres groupes incapables de recevoir des bénévoles à l’intérieur de leurs murs. L’an dernier, nous avons réussi à fournir des paniers d’aliments adaptés et réconfortants culturellement à quelque 26 000 personnes à Calgary.

 

Recherche de nouveaux partenaires pour éliminer les barrières de transport et de langue 

En passant par la ligne 211, nous avons fait de la publicité sur l’intervention lancée à l’échelle locale pour répondre à tous les besoins entourant la COVID-19. Lors de la première vague, le centre pour les nouveaux arrivants a établi un partenariat avec Uber afin d’offrir du transport aux personnes devant se rendre à un centre de dépistage de la COVID-19 ou consulter un médecin ou, encore, aller chercher leur épicerie. Aujourd’hui, Uber a établi un partenariat avec 211 Alberta par l’entremise du gouvernement provincial. Il est donc possible de composer le 211 ou de passer par notre ligne multilingue pour obtenir du transport afin d’aller se faire vacciner. 

Nous sommes clairs en expliquant qu’il s’agit d’une intervention dans les zones chaudes de la COVID-19. Nous voulons y diminuer le nombre de cas. Il s’avère que nos bénéficiaires vivent dans les zones chaudes et que le secteur relève de nous. Nous avons donc la conviction que nous sommes les mieux placés pour ce travail. Nous savions que nous devions procéder de façon à respecter et à défendre la dignité des personnes de chaque communauté et à mettre en évidence et à combattre la discrimination systémique et les problèmes exacerbés par la pandémie. Nous avons ensuite commencé à voir plus grand et à chercher des façons d’avancer, non seulement pour aider durant la crise, mais aussi pour exercer une influence sur les politiques. Nous nous sommes par la suite posé la question : Comment influencer les pratiques après ça? 

Par exemple, disposer d’interprètes qu’il est possible de joindre au téléphone constitue une bonne mesure temporaire. Il ne faut pas et il n’aurait jamais fallu que ces personnes prennent la place de professionnels qualifiés qui maîtrisent la même langue première et qui comprennent les nuances culturelles nécessaires pour aider, particulièrement s’il s’agit de santé. Vous devez pouvoir établir une relation de confiance avec le professionnel qui vous vient en aide, et ce n’est pas possible si vous devez passer par l’interprète. Vous devez pouvoir le faire dans votre langue première. Voilà l’une des choses qui doivent changer.  

À cause de la COVID-19, le service 211 s’est étendu partout au Canada. Rien n’indique si le service sera maintenu après la pandémie, mais il y aurait lieu de le garder en place. Le précieux travail réalisé par le Centre d’aide et d’écoute qui s’occupe de la ligne 211 à Calgary doit se poursuivre, tout comme notre collaboration. De telles meilleures pratiques auront un effet positif.

 

Continuer sur la lancée des approches axées sur l’équité  

Nous avons démontré qu’il n’est pas très difficile de créer une ligne multilingue dotée de personnes multilingues. En Alberta, nous disposons du service 811. Pourquoi ne pas doter les services 811 d’équipes de courtiers culturels? Il ne s’agirait pas d’une initiative très coûteuse vu la rentabilité de l’investissement. Le coût de fonctionnement de la ligne téléphonique ou de développement de la technologie n’est pas très élevé. Il faudrait recourir à des courtiers culturels à plus grande échelle. Nous devons aller de l’avant et faire appel à des professionnels qui maîtrisent la langue première, y compris celle des communautés autochtones. Je pense que la démarche permettrait dans l’avenir d’améliorer considérablement nos indicateurs de santé. 

Pour fournir des services de manière équitable aux gens, pour que ce soit très facile pour eux, vous devez mettre en place l’infrastructure nécessaire et rémunérer le personnel correctement de façon à lui permettre de faire du bon travail. De nombreux diplômés internationaux en médecine n’arrivent pas à décrocher un emploi dans leur domaine. Répondre au 811 et aider les gens dans leur langue première, c’est parfait pour eux. En plus, ils parlent aussi l’anglais, alors ils peuvent répondre à un appel en anglais au besoin. Il n’y a aucune redondance. C’est un moyen de faire tomber les barrières créées par les iniquités et le racisme systémiques souvent observés. Nous qualifions cet état de choses de systémique parce qu’il s’est tout simplement immiscé dans le système, souvent par accident, tant et si bien que l’on nous a fait croire que le coût est trop élevé, même si ce n’est pas le cas. 

 

Bâtir la confiance et partager le pouvoir pour favoriser la collaboration afin d’atteindre un but commun 

Les gens me demandent parfois comment j’ai réussi à mobiliser autant de PDG et de responsables d’organismes autour de l’organisme de concertation. Je leur réponds que j’ai passé les cinq dernières années à faire du réseautage, y compris en dehors des heures de travail ou autour d’un repas ou, encore, simplement en rencontrant les gens de divers organismes et en établissant des relations de confiance. Si vous consacrez du temps à nouer des liens avec les autres en temps normal – et en apprenant à les connaître et à connaître leur personnalité, puis à respecter leur façon de penser et de travailler et la valeur de leur démarche – vous serez alors facilement en mesure de rallier ces gens advenant une crise. Nous avons réussi à tirer notre épingle du jeu parce que tout le monde se faisait confiance. Si certaines personnes nous étaient inconnues, il suffisait que d’autres leur fassent confiance pour nous rassurer.  

L’autre élément clé est la décentralisation du pouvoir et de la responsabilité. Il faut quelqu’un à la tête, tout le monde s’entend là-dessus. C’est la façon dont fonctionne notre monde. Mais le centre pour les nouveaux arrivants n’a pas plus de pouvoir, d’argent ou de quoi que ce soit d’autre que les autres organismes. En fait, nous ne recevons pas une énorme subvention de l’organisme de concertation, parce que ce n’est pas nécessaire. Il s’agissait plutôt d’une décision fondée sur l’équité, c’est-à-dire selon les capacités et les besoins immédiats. Nous avons ainsi établi un budget commun en y incluant tout ce que les groupes nous avaient demandé pour être en mesure d’exécuter le travail qu’ils s’étaient proposé de faire. Aucune question n’a été posée – ce qui montre bien encore une fois le rapport de confiance entre les partenaires. 

 

Leçons retenues : 

Il importe de nouer des relations de confiance avec les gens avant que ne survienne une crise et d’apprendre à les connaître et à respecter leur façon de travailler, ce qui permet de les rallier plus facilement en cas de crise.

Le meilleur modèle de collaboration se distingue par la décentralisation du pouvoir et de la responsabilité et par le partage des fonds de manière équitable en fonction du travail que peut exécuter chaque organisme pour répondre aux besoins de la collectivité.

Les lignes téléphoniques multilingues auxquelles répondaient des courtiers culturels issus des communautés visées se sont révélées faciles d’accès et utiles pour les nouveaux arrivants qui ont pu ainsi obtenir toute l’aide voulue durant la pandémie. Il y aurait lieu de maintenir le modèle en place, voire de l’étendre.

Le recours à des interprètes constitue une mesure temporaire. Les gens doivent pouvoir avoir au bout du fil des professionnels qui parlent leur langue première et qui comprennent leur culture, d’autant plus s’il s’agit de leur santé. 


Contexte : 

Depuis 1988, le Centre for Newcomers (centre pour les nouveaux arrivants) est un incontournable pour les immigrants et les réfugiés de toutes les nationalités qui s’établissent à Calgary. L’organisme à but non lucratif voit l’intégration des nouveaux arrivants comme une assistance réciproque, dans le sens d’une influence et d’une incidence mutuelles entre les nouveaux arrivants et les communautés d’accueil.

Le Calgary East Zone Newcomers Collaborative (organisme de concertation) regroupe 17 organismes communautaires qui veillent à accueillir les nouveaux arrivants dans l’est de la ville de Calgary et à les aider à subvenir à leurs besoins par l’entremise des services gratuits fournis par le groupe. Créée par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, l’approche par zones réfère à un modèle d’intégration communautaire appliqué à l’ensemble des nouveaux arrivants de Calgary. Parce que la pandémie traîne en longueur, l’organisme de concertation a mis sur pied une intervention immédiate afin d’aider les nouveaux arrivants et les communautés ethnoculturelles à obtenir toute l’aide nécessaire en ce qui a trait à la COVID-19.

L'ActionDignity est un organisme communautaire ayant pour mission de faire entendre la voix collective des communautés ethnoculturelles de Calgary afin de favoriser la pleine participation citoyenne et l’intégration dans la collectivité en menant une action fondée sur l’approche collaborative.   

L'Immigrant Services Calgary offre un large éventail de programmes et de services aux immigrants et aux réfugiés afin de faciliter leur établissement et leur intégration au Canada. 

Portail est une plateforme de collaboration donnant accès à un système d’évaluation des besoins, de création d’un plan d’établissement personnalisé et d’aiguillage vers des services et des programmes, le tout mis en commun par plusieurs agences.   

Le Distress Centre de Calgary est un centre d’écoute téléphonique donnant accès à du soutien en cas de crise, à du counseling professionnel et à des références à des ressources par l’entremise de la ligne 211 et des programmes du Safe Communities Opportunity and Resource Centre (SORCe) – sans frais. 

211 Alberta est un service essentiel vers lequel la population albertaine peut se tourner pour trouver les ressources ou les services nécessaires, au moment approprié. Le service 211 est ouvert 24/7 par téléphone, message texte et clavardage. Il est gratuit, confidentiel et disponible dans plus de 170 langues au téléphone.  

Le 811 Health Link est un service téléphonique gratuit ouvert 24/7. Toute personne résidant en Alberta peut passer par infosanté 811 pour obtenir des conseils et de l’information générale en cas de problème de santé. Il est possible de parler à des professionnels de la santé de diverses spécialités, y compris des infirmières autorisées, des diététistes, des spécialistes en démence et des médecins cliniciens spécialisés en santé mentale et en réadaptation.


Pour en savoir plus au sujet de la démarche décrite dans le présent récit, adressez-vous au Centre de collaboration nationale des déterminants de la santé au [email protected]

Avez-vous une idée de récit pour l’initiative L’équité en action? Avez-vous entendu parler d’autres initiatives visant à promouvoir l’équité en santé dans le cadre de la lutte pour mettre fin à la pandémie de COVID-19 au Canada? Devrions-nous en parler? Portez-les à notre attention! 

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