Ouvrir la voie à plus de personnel infirmier en milieu scolaire en Ontario
Ce récit rédigé dans le cadre du projet « L’équité en action » est tiré d’un entretien tenu avec :
- David Groulx, [ancien] président, Ontario Association of Public Health Nursing Leaders (OPHNL), et gestionnaire en pratiques professionnelles et en santé scolaire, Santé publique Sudbury et districts
- Heather Lokko, liaison, Chief Nursing Officers Network, Ontario Association of Public Health Nursing Leaders (OPHNL), et directrice et infirmière en chef, Programme Bon Départ, Bureau de santé de Middlesex-London
- Irmajean Bajnok, analyste principal en politiques, Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario (RNAO)
La rencontre ayant eu lieu en juin 2021, il importe de la situer dans son contexte d’alors.
Le projet de personnel infirmier en milieu scolaire dont il est question dans le présent document n’a pas tout à fait nivelé le terrain. Cela dit, il a certainement amélioré la capacité de la santé publique d’aider les communautés scolaires à lutter contre la COVID-19 et le nombre infini de problèmes vécus par les élèves, leur famille et le personnel et l’administration scolaires en raison de la pandémie. Il s’agissait en fait d’accroître la capacité de la santé publique en termes de ressources humaines afin d’atténuer plus efficacement et plus systématiquement les iniquités auxquelles se heurtent les communautés scolaires de la province. |
Promouvoir l’équité en santé grâce au personnel infirmier en milieu scolaire
Nos organismes — l’Ontario Association of Public Health Nursing Leaders (OPHNL), y compris le Chief Nursing Officers Network de l’OPHNL, et l’Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario (RNAO) — planchent sur un projet de personnel infirmier en milieu scolaire. Pour nous, c’est une occasion de changer le système en profondeur, non pas seulement de façon temporaire avec un projet qui prendrait fin avec la fin de la pandémie.
De toute évidence, la pandémie est venue exacerber les iniquités. La situation a eu pour effet d’affirmer la nécessité pour les bureaux de santé publique d’intervenir à l’échelle de la province, dans l’immédiat et dans l’avenir. Les problèmes aggravés par la pandémie – santé mentale, usage de substances psychoactives, violence, insécurité alimentaire – exigent un travail de prévention et d’intervention de tous les instants. En Ontario, 34 bureaux de santé publique s’emploient à remplir leur mandat en matière de santé publique, y compris en milieu scolaire. Le travail de santé publique diffère d’un bureau de santé à l’autre dans la province suivant les besoins cernés et les ressources consenties. Il en va de même pour les actes infirmiers en milieu scolaire. La COVID-19 (et même la situation avant la pandémie) a mis en évidence l’importance d’accroître les ressources afin d’assurer que la santé publique puisse soutenir adéquatement les communautés scolaires et s’occuper de réduire et de prévenir les iniquités grandissantes.
Les équipes d’un bon nombre de bureaux de santé décident d’accorder la priorité à certaines écoles de la communauté scolaire en se fondant sur des facteurs liés aux déterminants sociaux de la santé et aux besoins particuliers en matière de santé. Elles s’emploient d’abord à dédier les ressources à l’aide aux écoles ayant priorité sur les autres. Avec la pandémie, la capacité de prévenir la propagation des maladies infectieuses s’est ajoutée aux facteurs entrant en ligne de compte dans ces décisions. Malgré quelques différences régionales, l’ensemble des bureaux de santé publique utilisent une grille d’analyse détaillée en santé scolaire pour orienter leur démarche dans les écoles. Le personnel infirmier et l’approche de la santé globale en milieu scolaire visent à remédier aux iniquités du début à la fin de l’année scolaire. Bien des gens dans la province ne connaissent pas le rôle crucial ni l’importance, du personnel infirmier en milieu scolaire ni leur incidence sur la santé des élèves, des familles, du personnel enseignant et du personnel administratif. La pandémie a attiré l’attention sur le travail du personnel infirmier en milieu scolaire parce qu’elle a mis en relief l’aide essentielle à apporter aux élèves et aux familles aux prises avec des problèmes de toutes sortes, y compris la prévention et le contrôle des infections. Le personnel infirmier en milieu scolaire joue un rôle prépondérant dans l’amélioration de l’état de santé et la réduction des iniquités de santé dans les communautés scolaires. Durant la pandémie, il apparaissait important de tirer profit de leur travail pour faire connaître l’ensemble de leurs services, y compris en ce qui avait trait à la COVID-19.
Se livrer à un plaidoyer clair, cohérent et axé sur les solutions
En juin 2020, alors que nous apprenions que les écoles allaient rouvrir leurs portes à l’automne, la RNAO et l’OPHNL ont commencé à plaider pour accroître le nombre d’infirmiers et d’infirmières en milieu scolaire afin d’assurer un soutien essentiel au personnel enseignant, aux familles et aux élèves de la province. Nos organisations se sont vite concertées pour donner leur avis sur la manière de parvenir à mettre sur pied le projet d’accroître le personnel infirmier en milieu scolaire. En assurant la liaison avec l’infirmière en chef et le médecin hygiéniste en chef de la province, nous avons soumis ensemble au ministère de la Santé de solides recommandations fondées sur nos connaissances et nos compétences. Notre plaidoyer concernait les qualifications et la formation, les fonctions et l’employeur du personnel infirmier en milieu scolaire. Nous avons passé notre message dans les réunions, des lettres et les médias sociaux. Nos activités ont ainsi mené les bureaux de santé publique à embaucher un plus grand nombre d’infirmiers et d’infirmières en santé publique chargées de la santé en milieu scolaire.
À la fin juillet 2020, le gouvernement de l’Ontario annonçait une contribution de 50 millions de dollars pour l’embauche de 500 infirmiers et infirmières dans les écoles. Le gouvernement fédéral a par la suite accordé une aide financière pour l’embauche de 125 infirmières et infirmiers de plus dans les écoles, pour un total de 625 en Ontario. Sur les recommandations de nos deux organisations, ces nouveaux postes allaient à du personnel infirmier autorisé embauché par les bureaux de santé publique locaux afin de soutenir les écoles dans la lutte contre la COVID-19 et les complexités en découlant et, dans la mesure du possible, dans les autres dossiers liés à la santé scolaire en général.
Certaines mesures très importantes de notre part ont contribué à la réussite de nos activités de plaidoyer. Nous étions unies et constantes dans notre message concernant le personnel infirmier en milieu scolaire. Selon nous, il fallait embaucher du personnel infirmier :
- à l’échelle locale, en donnant la responsabilité aux bureaux de santé publique;
- immédiatement afin de faciliter la réouverture des écoles;
- autorisé, détenant un baccalauréat en sciences infirmières;
- capable de remplir toutes les fonctions du personnel infirmier en milieu scolaire, y compris en ce qui avait trait à la prévention et au contrôle des infections et à l’information sur les vaccins et à l’administration des vaccins;
- pour deux années scolaires – puis assurer les fonds récurrents dans l’enveloppe allant à la santé publique afin de soutenir le travail en matière de santé scolaire.
Un autre aspect important dans notre démarche était notre approche collaborative et axée sur les solutions aux problèmes de planification de la réouverture des écoles pour le Ministère. Nos solutions reposaient sur les données probantes montrant le rôle que joue le personnel infirmier en milieu scolaire dans l’établissement d’un climat d’apprentissage sain assurant la sécurité des élèves, y compris en temps de crise. Nous avons expliqué la nature de l’aide que le personnel infirmier pouvait apporter au personnel administratif, au personnel enseignant, aux familles et aux élèves. Nous nous sommes positionnées comme étant des partenaires. Nous avons ainsi largement contribué à la réussite de la réouverture des écoles et nous avons travaillé ensemble pour montrer que le personnel infirmier en milieu scolaire faisait partie de la solution.
Soutenir la mise en œuvre en élaborant des ressources pertinentes rapidement et collaborativement
À la suite de l’annonce concernant l’octroi des fonds nécessaires à l’embauche d’infirmiers et d’infirmières en milieu scolaire, nous nous sommes rapidement rendu compte de l’ampleur du recrutement à faire pour les bureaux de santé. Pour faciliter le processus, nous avons dressé une liste des ressources susceptibles de se révéler utiles. Nous avons demandé aux gens sur le terrain de préciser les besoins, puis nous avons rédigé une description de poste et des outils d’entrevue offrant un choix de questions.
Nous avons subséquemment formé un groupe de travail composé de membres de nos deux organisations, du School Health Managers Network et de Santé publique Ontario. Le groupe de travail était chargé d’élaborer un cours en santé scolaire qui serait offert partout dans la province. Le cours en ligne comporte cinq modules, y compris des modules sur la santé publique, la santé globale en milieu scolaire et l’équité en santé. Nous savions que, parmi les 625 infirmiers et infirmières nouvellement embauchés, un bon nombre n’aurait aucune expérience en santé publique. Les équipes des bureaux de santé avaient facilement accès au cours par l’entremise du site Web de l’OPHNL, et elles sont nombreuses à l’avoir ajouté à leur propre programme de formation. Les objectifs étaient de contribuer à l’excellence de la profession infirmière en santé publique, de mettre l’accent sur l’importance de l’équité en santé pour le personnel infirmier en milieu scolaire, de fournir aux bureaux de santé publique de la province les mêmes occasions d’apprentissage et d’aider les responsables de l’accueil et de l’intégration du nouveau personnel à gérer leur charge de travail.
Nos conversations avec les gens travaillant sur le terrain et les fonctionnaires des ministères de la Santé et de l’Éducation nous avaient déjà fait prendre conscience de l’importance de clarifier les fonctions du personnel infirmier en milieu scolaire. Ainsi, un groupe de travail formé de représentants de l’OPHNL, des ministères de la Santé et de l’Éducation, du School Health Managers Network et des bureaux de santé publique a créé un guide décrivant les fonctions d’un infirmier ou d’une infirmière en santé publique travaillant en milieu scolaire à l’intention des administrateurs scolaires. On y décrivait le rôle du personnel infirmier en milieu scolaire dans le contexte particulier de la pandémie de COVID-19 et, encore plus en détail, les fonctions générales du personnel infirmier en milieu scolaire avant la crise sanitaire. On y communiquait aussi de l’information de base et précisait les pratiques employées par le personnel infirmier en milieu scolaire pour remédier aux iniquités de santé. Approuvé par les ministères de la Santé et de l’Éducation, le guide continuera de servir à l’avenir à mieux clarifier, à mieux appuyer et à mieux faire comprendre les fonctions du personnel infirmier en milieu scolaire.
L’OPHNL a retenu les services d’un consultant mandaté pour évaluer la mise en place et l’incidence du personnel infirmier en milieu scolaire durant la pandémie. Il a formé un groupe consultatif chargé de travailler avec le consultant et composé de représentants de l’OPHNL, du School Health Managers Network, de l’Ontario Public Health Evaluation Network, des ministères de la Santé et de l’Éducation et de professeurs. Un mécanisme de suivi mensuel permettait d’obtenir de l’information sur le processus de mise en place et les activités menées par les titulaires des postes tout au long de la pandémie. L’OPHNL et la RNAO s’apprêtent à communiquer ensemble leurs recommandations à partir des conclusions de l’évaluation afin d’orienter les décisions stratégiques liées aux postes d’infirmier et d’infirmière en milieu scolaire et leur opérationnalisation dans les écoles de l’Ontario.
Nouer des liens pour rendre l’action collective possible
La réussite du projet revient en grande partie aux relations établies avant le lancement et durant la réalisation. Nous avons tenu des réunions périodiques avec l’infirmière en chef de l’Ontario et des fonctionnaires du ministère de la Santé. Nos relations avec des cadres respectées et influentes de la profession infirmière au sein du Ministère et du milieu de la santé publique dans la province ont joué un rôle crucial dans l’avancement du dossier à tous points de vue. Par exemple, le projet fait ressortir l’utilité d’une infirmière en chef dans la province, d’une association professionnelle indépendante des exigences réglementaires ou des conventions collectives et de cadres de direction solides en soins infirmiers à l’échelle des bureaux de santé publique qui se serrent les coudes pour chercher de manière collaborative des solutions satisfaisantes pour la clientèle (élèves, personnel enseignant, familles et administration), la profession infirmière et le système.
Il faut du temps pour nouer des liens entre professionnels et entre organisations, et participer à des réunions professionnelles et décisionnelles, à des activités de perfectionnement professionnel communes, à des conversations à cœur ouvert, à des occasions de collaboration et de consultation pour faire évoluer les décisions stratégiques. Comme le fait ressortir la situation présente, les occasions et la capacité de nouer des liens avec des infirmières et des infirmiers et d’autres individus et parties prenantes du milieu ont porté leurs fruits, c’est-à-dire qu’elles ont fait progresser l’idée que les postes d’infirmiers et d’infirmières en milieu scolaire constituaient une solution à la réouverture des écoles, rapidement et en toute sécurité, durant la pandémie. Cela a aussi eu pour effet de mettre en évidence d’autres considérations et décisions stratégiques.
Sans de telles relations pour faciliter la mobilisation et l’action collective pour surmonter les problèmes créés par la pandémie, nous croyons que la situation serait aujourd’hui très différente dans les écoles de la province. Grâce à nos efforts collectifs et conscients – et à la largeur d’esprit du gouvernement –, les élèves, les parents, le personnel enseignant et les administrateurs scolaires ont bénéficié d’une aide considérable de la part des équipes des bureaux de santé publique et des titulaires des postes d’infirmiers ou d’infirmières en milieu scolaire.
Leçons retenues :
Les efforts pour éclairer les politiques publiques favorables à la santé se révèlent plus percutants si le discours part d’une voix unifiée et si le message transmis aux partenaires est le même, et si le propos tourne autour de solutions, pas seulement des besoins, et de mesures concrètes pour faire partie de la solution. |
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Il faut prendre le temps de nouer des relations solides fondées sur la compréhension et la confiance avec les décisionnaires, les alliés et les partenaires pour assurer une collaboration positive (particulièrement avant que des problèmes surgissent). |
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Les associations professionnelles dans le domaine des soins infirmiers et les cadres de la profession sont stratégiquement positionnés pour plaider en faveur du personnel infirmier en milieu scolaire et soutenir la profession et pour mieux faire comprendre et accepter les fonctions du personnel infirmier en milieu scolaire et l’approche de la santé globale en milieu scolaire tout au long de la pandémie et par la suite. |
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Pour atténuer les iniquités de santé, il faut aussi cerner et corriger les faiblesses en matière de ressources en santé publique et les difficultés et les barrières empêchant les organisations de passer à l’action. |
Contexte
Depuis 1925, l’Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario (RNAO) (en anglais), une organisation professionnelle bénévole, plaide pour des politiques publiques favorables à la santé, fait la promotion de l’excellence dans l’exercice des soins infirmiers et donne au personnel infirmier les moyens d’influencer et de façonner de manière concrète les décisions ayant une incidence sur la profession et les régions desservies.
L’Ontario Association of Public Health Nursing Leaders (en anglais) veille à la promotion et à la protection de la santé de la population ontarienne en assurant l’excellence des cadres de direction de la profession infirmière en santé publique. Ses membres sont les infirmières et les infirmiers en santé publique occupant des postes de gestion en Ontario. Mise sur pied en 2015, l’Association combine les voix de deux groupes professionnels fondateurs, c’est-à-dire l’Association of Nursing Directors, Supervisors of Official Health Agencies et l’Ontario Public Health Chief Nursing Officers Group.
Ressources connexes
Orientation to Public Health Nursing – School Health Nursing (en anglais)
- Aperçu du cours
- Module 1 – Introduction à la santé publique
- Module 2 – Santé globale en milieu scolaire
- Module 3 – COVID-19 et prévention et contrôle des infections
- Module 4 – Déterminants sociaux de la santé et équité en santé
- Module 5 – Santé des enfants et des adolescents
Billet de blogue de Doris sur la COVID-19 (29 décembre 2020) : Public health nurses in schools (en anglais)
Pour en savoir plus au sujet de la démarche décrite dans le présent récit, adressez-vous au Centre de collaboration nationale des déterminants de la santé au [email protected].
Avez-vous une idée de récit pour l’initiative L’équité en action? Si vous avez entendu parler d’autres initiatives visant à promouvoir l’équité en santé dans le cadre de la lutte pour mettre fin à la pandémie.