Le programme d’hébergement en isolement crée un soutien holistique aux populations mal-logées grâce à des partenariats hors du commun avec les communautés
Ce récit de « L’équité en action » est inspiré d’une entrevue avec David Surette, infirmier de la santé publique, équipe d’intervention de la COVID-19; Nancy Green, responsable de la sensibilisation en santé, équipe pour la santé des communautés; et Christine Johnson, directrice de l’équité en santé, Science et Performance des systèmes de la Nova Scotia Health Authority (régie de Santé Nouvelle-Écosse). Cette entrevue a eu lieu en septembre 2022 et les détails du récit doivent être remis dans le contexte de cette période.
L’ampleur de la pandémie de COVID-19 a représenté un défi de taille pour une petite province comme la Nouvelle-Écosse. Les services existants pour les personnes mal-logées ou en situation de précarité ne pouvaient répondre à un isolement sécuritaire et efficace. L’équipe de soutien du Housing Isolation Program (programme d’hébergement en isolement [HIP]), nouvellement créé, a fourni une aide complète en matière d’isolement, centrée sur la personne et axée sur l’équité dans une optique de réduction des risques. Soutenue par ses partenaires, l’équipe a été en mesure de rencontrer les membres au sein même de leurs communautés pour offrir des espaces sûrs aux personnes afin qu’elles se concentrent sur leur rétablissement de l’infection de la COVID-19. |
Les services de santé assignés particulièrement aux populations en situation de précarité ou mal-logées n’étaient pas très nombreux en Nouvelle-Écosse avant la COVID-19. En tant que praticiens de la santé publique en Nouvelle-Écosse (N.‑É.), notre travail entourant les questions de logements abordables, des personnes en situation d’itinérance et de pauvreté est centré principalement sur les politiques que nous élaborons en partenariat avec les organismes communautaires et gouvernementaux pour répondre aux besoins des populations en matière de logement. L’équipe de la santé publique, qui fait partie de la régie de Santé Nouvelle-Écosse, n’était pas préparée à offrir des services de première ligne pour répondre adéquatement aux besoins des personnes qui vivaient en situation de précarité de logement dans le contexte d’une pandémie émergente.
Cela dit, dans le cadre de notre travail de protection de la santé, certaines pratiques existaient déjà pour soutenir l’isolement nécessaire aux personnes qui étaient atteintes d’une infection contagieuse. Cependant, ce n’étaient pas des pratiques régulières à l’ensemble de notre système ou généralisées. L’ampleur et la charge disproportionnées des mesures prescrites de la santé publique pour la COVID-19, comprenant l’isolement, ont rapidement été soulignées comme un défi de taille par les partenaires et les personnes de notre système. Nous avons senti que nous devions prendre cette responsabilité sur nos épaules et fournir des services de soutien pour aider les gens à respecter les mesures de la santé publique. Cependant, compte tenu de l’ampleur de la COVID 19, nos soutiens existants et nos relations de partenariat ont rapidement été dépassés par les besoins. Nous avons réalisé que nous manquions de préparation et avons essayé de réagir rapidement, sous la pression, pour combler cette lacune.
L’équipe de soutien du programme d’hébergement en isolement offre un soutien complet à l’isolement
Au début, chaque secteur de notre programme a commencé à répondre et à mettre en place des services de soutien pour combler les besoins des personnes qui vivaient en situation de précarité et qui avaient besoin de soutien pour s’isoler. Notre équipe s’est agrandie au fil du temps pour devenir l’équipe provinciale du programme d’hébergement en isolement (HIP), qui a ensuite reçu du financement de l’Agence de la santé publique du Canada. L’équipe du HIP comprend une équipe de personnel infirmier et une équipe de soutien. Tous les trois, nous sommes devenus membres de l’équipe du HIP à partir des différentes fonctions que nous occupions au sein de la régie de Santé Nouvelle-Écosse.
La formation de l’équipe de soutien du HIP a permis une réponse ciblée. Notre priorité initiale a été de nous concentrer sur les solutions d’isolement à fournir aux personnes vivant en situation de précarité, notamment dans les hébergements d’urgence, les logements collectifs et les maisons de transition. Nous avons utilisé les sources existantes d’hébergement dans la province, telles que les motels et les hôtels. Au fur et à mesure que des besoins supplémentaires se présentaient, nous avons rapidement élargi notre intervention aux personnes vivant dans des logements surpeuplés, à celles en réinsertion dans la communauté provenant des établissements correctionnels et aux nouveaux arrivants en Nouvelle-Écosse en provenance de la frontière ou de l’aéroport. Nous avons également élargi notre soutien aux personnes qui risquaient de développer des formes graves de la COVID-19 et aux personnes qui pouvaient s’isoler à la maison, mais qui vivaient des difficultés pour le faire. Les personnes qui avaient obtenu un résultat positif à la COVID-19 ou qui étaient exposées à de telles personnes avaient peu de possibilités pour s’isoler.
L’équipe de soutien du HIP a mis en place un système de soutien holistique et complet pour les personnes qui avaient besoin de s’isoler, soit directement ou en les orientant vers d’autres ressources. L’hébergement était fourni avec le transport nécessaire pour se rendre au lieu d’isolement. Nous avons organisé les livraisons pour la nourriture et les médicaments nécessaires pour assurer le maintien des ordonnances, y compris celles pouvant réduire les problèmes aggravants, pendant la période d’isolement. Une ligne téléphonique provinciale a aussi été mise en place afin que les hébergements d’urgence, les maisons de transition, les services de police et frontaliers, entre autres, puissent nous joindre pour nous confier les personnes qui avaient besoin de soutien.
En plus de fournir ce service de première ligne, nous avons poursuivi les rencontres avec les partenaires pour déterminer les meilleures solutions pour soutenir les besoins en période d’isolement et participer aux discussions relatives aux politiques. L’équipe de soutien du HIP a régulièrement apporté un point de vue essentiel aux tables gouvernementales en partageant de l’information sur les réalités du terrain. Par exemple, nous avons aidé à répondre aux questions : « À quoi ressemble la vie dans un hébergement d’urgence pendant la pandémie; et quels sont les besoins de ces “invités” et des fournisseurs de services? »
Privilégier une approche fondée sur la réduction des risques
Rapidement après le début de l’offre de services par l’équipe de soutien du HIP, il est devenu clair que nous devions privilégier une approche fondée sur la réduction des risques. Il y avait une préoccupation évidente pour trouver des solutions sécuritaires à l’isolement pour les personnes qui faisaient usage de substances ou étaient toxicomanes, ce qui était hors de notre champ d’action. Notre équipe a reconnu que nous ne possédions pas l’expertise ou les compétences nécessaires pour évaluer adéquatement les risques ou comprendre les besoins en cette matière.
Dans le cadre du travail de l’équipe du personnel infirmier du HIP, des évaluations complètes présupposent une revue de l’historique de la santé mentale et physique, essentiellement une évaluation complète de la tête aux pieds, afin de déterminer les besoins des personnes pour qu’elles puissent s’isoler de manière adéquate. S’il s’avérait qu’un client avait besoin de services en matière de réduction des risques, l’équipe de soutien du HIP collaborait avec la Mobile Outreach Street Health (la clinique MOSH) et une équipe de spécialistes en médecine des dépendances pour réaliser les évaluations nécessaires de réduction des risques associés aux substances. L’équipe de soutien du HIP coordonnait l’approvisionnement en substances et la livraison, en partenariat avec la clinique MOSH, les pharmacies et les organismes communautaires de réduction des risques.
L’équipe du personnel infirmier du HIP a supervisé le suivi durant la période d’isolement et a collaboré avec l’équipe de soutien du HIP pour coordonner les services et s’assurer que toutes les personnes avaient ce dont elles avaient besoin pour s’isoler de manière sécuritaire. Les partenaires externes nous ont été d’une aide extraordinaire en matière de réduction des risques, non seulement pour nous appuyer dans notre travail d’évaluation, mais aussi dans l’approvisionnement de biens et de services pour soutenir les membres de la communauté.
Créer une réciprocité dans les partenariats communautaires pour étendre notre portée et notre compréhension
Les services complets de soutien que l’équipe du HIP fut en mesure de fournir n’auraient jamais été réalisables sans les vastes réseaux de nos partenaires. Chaque membre de l’équipe a apporté différents groupes de partenaires issus de relations bâties au fil du temps, et nous en avons pleinement tiré parti. L’objectif de l’équipe de la santé publique de Santé Nouvelle-Écosse est de construire des partenariats et d’agir ensemble avec les communautés pour répondre aux besoins déterminés; dans le cas présent, les organismes communautaires ont réellement répondu à l’appel en ce sens pour s’investir en tant que partenaires.
Afin de s’assurer du bon fonctionnement des lieux d’isolement, des processus et des systèmes devaient être développés, et nous n’aurions jamais pu le faire seuls. Heureusement, nous avions un médecin-hygiéniste attitré dans ce domaine dont la supervision a été déterminante pour nous mettre en relation avec des partenaires et des secteurs qui avaient une expertise dans différents domaines.
Il y avait toutes sortes de questions de fond qui demandaient une réponse, et nous les avons relayées à nos partenaires pour y répondre. Par exemple, deux des principales questions soulevées étaient : « Comment créer un environnement d’isolement sécuritaire dans les hôtels? Comment organiser les services de transport pour fournir ces services essentiels de manière à respecter les mesures de sécurité de la COVID-19? » Pour répondre à ces questions, nous avons communiqué avec le ministère de l’Environnement de la Nouvelle-Écosse1. Les inspecteurs de la santé publique de ce secteur nous ont aidés à élaborer des lignes directrices en matière de prévention et de contrôle des infections qui ont ensuite été communiquées aux hôtels et aux services de taxis. Ces lignes directrices touchaient aux aspects de nettoyage, de circulation d’air, de port de masque et de tous les autres aspects environnementaux auxquels nous n’aurions pas pensé.
Nous avons également travaillé en étroite collaboration avec le ministère de l’Environnement de la Nouvelle-Écosse pour élaborer des documents d’orientation à l’intention des organismes offrant un hébergement d’urgence afin qu’ils puissent fonctionner en respectant les normes de sécurité de la COVID-19. Ce travail s’est optimisé grâce à des discussions continues avec le secteur des hébergements d’urgence relatifs à l’itinérance, la Transition House Association of Nova Scotia (association des maisons de transition de la Nouvelle-Écosse), et avec les ministères et les agences gouvernementales, comme le ministère des Affaires municipales et du Logement, le ministère des Services communautaires et le Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse. En particulier, les maisons de transition pour les femmes fuyant la violence domestique nous ont particulièrement soutenus pour apporter une vision éclairée des traumatismes vécus à certains de ces documents d’orientation.
L’élaboration de documents d’orientation était essentielle non seulement pour nos pratiques internes liées au logement, mais aussi pour le fonctionnement d’organismes comme Meals on Wheels. Ces organismes se sont joints à l’équipe du HIP parce qu’ils n’étaient pas certains de savoir comment offrir leurs services en toute sécurité au sein de la communauté. Nous avons utilisé nos relations pour leur fournir quelques protocoles afin de les rassurer. En ce sens, les partenaires nous soutenaient pour fournir nos services en matière d’isolement et nous pouvions, en retour, soutenir les organismes communautaires.
Une autre question importante fut soulevée : « Comment aider les gens à se rendre à nos lieux d’hébergements pour s’isoler? » Cette question était particulièrement pointue dans les zones rurales où le service de taxis était limité. À l’aide d’un partenariat hors du commun avec les services des shérifs, nous avons utilisé des voitures de police sans identification en tant que taxis, afin de conduire les gens du point A au point B durant la pandémie, alors que de nombreux services de transport communautaires n’étaient pas opérationnels dans les zones rurales.
La santé publique, par l’intermédiaire du HIP, n’a joué qu’un petit rôle dans l’intervention majeure de la pandémie, dans le sens où nous nous serions sentis très limités si nous avions eu à travailler seuls. L’équipe de soutien du HIP était à l’écoute et nous faisions tout ce qui était en notre pouvoir pour répondre aux préoccupations exprimées par nos partenaires. Ce n’était pas seulement à sens unique. Ils nous transmettaient des renseignements utiles, puis nous mettions en action nos propres ressources afin de garantir la poursuite de leurs programmes.
Apprendre et évoluer pour apporter de nouvelles perspectives au travail de la santé publique
Ce travail fut une occasion d’apprentissage important. De nombreux intervenants ont été très surpris de réaliser jusqu’à quel point nous avions été en mesure d’aider les gens. Les communautés nous ont fait part de leur soulagement. Elles nous ont communiqué que des personnes avaient exprimé qu’elles ne ressentaient pas de honte associée au fait de faire l’usage de drogues, d’avoir des problèmes de santé mentale ou de manquer de nourriture. C’était une source d’autonomisation pour nous de pouvoir aider les gens à l’endroit où ils étaient et de les prendre tels qu’ils étaient sans chercher à les changer ou à les déplacer. Ceci leur a permis de se concentrer sur leur rétablissement de la COVID-19, sans subir d’anxiété générée par un environnement extérieur.
La santé publique a augmenté sa visibilité grâce à ce projet. Historiquement, nous avons peut-être été perçus comme une partie prenante d’un large système inaccessible. Ce travail a permis à la santé publique de s’engager auprès des collectivités et des partenaires tout en maintenant un lien avec le système plus large et le gouvernement. Cela a certainement permis d’apporter une plus grande perspective à notre travail. Nous sommes enthousiastes à l’idée de trouver des occasions d’intégrer ces approches pour documenter nos prochaines interventions dans le soutien des communautés et plaider en faveur d’une politique publique saine afin de résoudre les graves iniquités dont nous avons été témoins.
Le plus grand impact se réalisera en honorant ce que nous avons entendu et appris lors de ces deux dernières années et en nous engageant à garder vivante la mémoire de ces récits et des leçons retenues alors que nous reprenons notre travail sur les politiques publiques.
Leçons retenues :
La santé publique crée un pont entre les communautés et le gouvernement en apportant une compréhension des besoins communautaires à la table décisionnelle. |
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La santé publique ne peut mettre en œuvre des solutions aux défis posés par des systèmes complexes en travaillant en vase clos : un travail exhaustif et axé sur l’équité doit être accompli en partenariat. |
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Les partenariats proviennent de sources inattendues – il faut rester ouverts et s’adapter à ces occasions. |
1 Depuis août 2021, le ministère de l’Environnement et du Changement climatique de la Nouvelle-Écosse.
Contexte
La Mobile Outreach Street Health (la clinique MOSH) offre des services de santé primaires accessibles aux personnes qui vivent en situation de précarité liée à l’itinérance, aux logements précaires et à la rue ou qui sont mal desservies dans les communautés. L’équipe rencontre la clientèle là où elle est en fournissant des soins primaires dans les lieux communautaires et les rues d’Halifax et de Dartmouth.
Le Nova Scotia Advisory Council on the Status of Women (Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse) porte à l’attention du ministre des questions affectant les femmes et les jeunes filles de la Nouvelle-Écosse. Le Status of Women office (Bureau de la condition féminine) fournit des services de recherche, de conseil sur les politiques et d’information dans la recherche de l’égalité, l’équité et la dignité pour toutes les femmes de la Nouvelle-Écosse.
Les membres des organismes de la Transition House Association of Nova Scotia (association des maisons de transition de la Nouvelle-Écosse) fournissent des services de transition aux femmes (et à leurs enfants) qui vivent des situations de violence et d’abus, y compris des services adaptés aux réalités culturelles des Micmacs.
Le programme Meals on Wheels (un service de popote roulante) fournit des repas nutritifs directement chez les personnes qui ne sont pas en mesure de préparer des repas adéquats eux-mêmes.
Ressources (en anglais seulement) :
Pour en savoir plus sur les initiatives décrites dans ce récit, veuillez communiquer avec le Centre de collaboration nationale des déterminants de la santé à [email protected].
Avez-vous des idées de récits pour notre série « L’équité en action »? Vous avez entendu parler d’autres initiatives canadiennes pour promouvoir l’équité en santé qu’il serait utile de partager? Communiquez avec nous.
Balises
COVID-19LogementAction intersectorielleConsommation de substances