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Plénière de Santé publique 2017 : Le racisme dans la société

Plénière de Santé publique 2017 : Le racisme dans la société

Par Sume Ndumbe-Eyoh Sume Ndumbe-Eyoh Sur - le 30 octobre 2017

Molly Peters, Darryl Leroux, Sume Ndumbe-Eyoh, Debbie Douglas et le Dr Kwame McKenzie à la séance plénière de clôture de Santé publique 2017 : « Le racisme dans la société »

Le racisme est une force systémique qui agit sur la répartition du pouvoir et des ressources en fonction des « races » telles que celles-ci sont définies par la société. Il mène à de profondes iniquités dans la vie sociale, économique et politique des collectivités autochtones et racialisées. Il importe que les acteurs des systèmes de santé et de santé publique reconnaissent les iniquités raciales, sociales et de santé comme des éléments clés à prendre en compte dans les stratégies et les politiques d’équité en santé et de santé en général. Étant donné le caractère impératif de ce travail pour les activités de promotion de la santé de l’ensemble de la population canadienne, les organismes de santé publique ont un rôle crucial  à jouer dans l’élimination du racisme.

Plénière de Santé publique 2017

L’une des façons que peuvent employer les organismes de santé publique pour démanteler le racisme consiste à encourager la conversation sur les mécanismes d’expression de l’iniquité raciale dans les arènes sociale, scientifique et législative. C’est dans cet esprit que j’ai animé la séance plénière de clôture lors de la rencontre annuelle en santé publique au Canada : Santé publique 2017. La rencontre a eu lieu à Halifax (N.-É.), plus précisément à Mi’kma’ki, le territoire ancestral et non cédé du peuple micmac.

Intitulée « Le racisme dans la société », la séance visait à traiter des effets du racisme systémique sur les diverses sphères de la société et des stratégies possibles pour atténuer ces effets. Les présentateurs ont commencé par exprimer leur pensée à ce sujet. Ils ont ensuite discuté des leçons apprises dans l’exercice de leurs fonctions sur l’importance d’agir concrètement pour l’équité raciale.

Dr Kwame McKenzie : Mettre des chiffres sur le racisme

« Les démocraties ne cessent de tout dénombrer. Si vous n’êtes pas dénombré, vous ne comptez pas. Sans donnée probante, impossible d’avancer. » – Dr Kwame McKenzie

Le Dr Kwame McKenzie s’est présenté comme étant un psychiatre qui avait grandi en tant qu’homme noir dans une Grande-Bretagne à l’aube du mouvement des droits civils durant les années 1960. PDG de l’Institut Wellesley, le Dr McKenzie a parlé du racisme comme du nouveau produit du tabac – en avançant que les effets du racisme se révélaient tout aussi nocifs pour la santé et la société que ceux du tabac. D’après lui, les travaux de recherche montrent que le stress causé par une injustice sociale permanente peut agir de façon destructive sur le mieux-être d’une personne. Il a précisé que le racisme exposait davantage la cible aux déterminants sociaux de la santé les plus dommageables. Son analogie évoque l’effet corrosif du racisme pour la santé et l’urgence d’agir à cet effet.

Le Dr McKenzie a souligné que, vu l’ampleur du problème, les acteurs de la santé publique doivent se sortir de la torpeur organisationnelle et consacrer leurs ressources et leurs compétences à la lutte antiraciste. Il a insisté sur l’importance de collecter des données sur la race et d’analyser les effets du racisme dans tous les secteurs pour pouvoir stimuler l’action, en affirmant que « si vous n’êtes pas dénombré, vous ne comptez pas ». En évoquant l’importance de passer par les politiques pour atténuer le racisme, il a cité l’Interim Toronto Action Plan to Confront Anti-Black Racism (2017) (en anglais) comme étant un modèle positif en ce sens.

Debbie Douglas : équité en matière d’emploi

Debbie Douglas a immigré au Canada de la Grenade avec sa famille lorsqu’elle était encore toute petite. Depuis, elle participe activement à diverses initiatives de justice sociale. Elle occupe actuellement le poste de directrice générale de l’Ontario Council of Agencies Serving Immigrants (OCASI) (en anglais), ce qui lui donne bien souvent l’occasion d’observer comment les politiques publiques créent des iniquités raciales. En donnant comme exemple les systèmes d’immigration, elle a fait observer que les politiques d’immigration supposément neutres discriminent les personnes de l’hémisphère Sud. Elle a mentionné à ce propos que le traitement des demandes du statut de réfugié soumises par des personnes originaires de pays d’Afrique prenait 64 mois, mais moins de 12 mois pour celles originaires d’autres pays.

Mme Douglas a beaucoup œuvré dans le domaine des politiques afin d’élargir la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Cela se voit dans les activités du Conseil avec des organismes tel le Colour of Poverty – Colour of Change en Ontario. Des lois comme celles-là visent à diminuer la discrimination raciale et à augmenter les pratiques d’embauche équitables. En leur absence, toutefois, les employeurs ont toujours la possibilité d’utiliser des pratiques comme l’embauche sans recours aux données identifiantes. Elle a mentionné que la Direction générale de l’action contre le racisme est une nouvelle structure d’envergure mise sur pied par le gouvernement de l’Ontario pour accroître l’équité raciale en Ontario.

L’équipe du Conseil a également travaillé pour améliorer les relations entre les réfugiés et les peuples autochtones. À cette fin, elle encourage le dialogue entre les membres des deux groupes tant sur l’immigration forcée que sur l’autochtonie au Canada.

Molly Peters : 150 ans de résistance

Molly Peters s’est fièrement présentée comme étant une femme micmaque membre de la Nation Paqtnkek Mi’kmaw et élue au conseil de sa Première Nation.

Dans ses propos, Mme Peters a montré le caractère paradoxal entre les nombreuses célébrations du 150e du Canada et la nécessité pour les non-Autochtones du pays de mieux comprendre ce qu’implique les conclusions du Rapport de la Commission de vérité et réconciliation (CVR). Elle a mis en garde contre la tentation d’abâtardir la réconciliation. Elle a également fait ressortir l’urgence de se concentrer sur une action positive susceptible d’améliorer la réalité vécue par les peuples et les nations autochtones.

Molly Peters a fait observer que nous sommes tous parties prenantes au traité. La population canadienne a la responsabilité commune de veiller au respect des traités conclus entre leur nation et les nations autochtones. La reconnaissance du sol sur lequel vous vivez et travaillez constitue un petit pas dans la bonne direction. Les acteurs de la santé publique qui ont la responsabilité de servir l’ensemble de la population canadienne doivent toutefois prendre l’initiative de bien comprendre la teneur du rapport et de répondre concrètement aux appels à l’action qui y sont formulés.

Darryl Leroux, Ph. D. : naturaliser la race, naturaliser l’iniquité

« Comme Blancs, nous avons une façon particulière de nous offenser. Il est capital, comme personne à la peau blanche, de faire attention à notre façon de réagir aux allégations de racisme dans nos milieux de travail. » (Traduction libre) Darryl Leroux, Ph. D.

Darryl Leroux s’est présenté comme un colon blanc ayant comme ancêtre la première personne française à naître en Nouvelle-France. M. Leroux est né à Sudbury, en Ontario, de parents de la classe ouvrière. Comme chargé de cours de sociologie à l’Université Saint Mary’s, il a effectué des recherches sur l’influence des scientifiques spécialisés en génétique sur la naturalisation des interprétations biologiques de la race – le genre d’action qui font paraître les iniquités raciales comme normales et inévitables. Il a attiré l’attention sur le fait que les personnes travaillant dans le secteur de la santé doivent tenir compte des effets d’un tel schème de pensée sur la prise de conscience collective par rapport au racisme et l’importance d’articuler la race comme une construction sociale.

Les recherches de M. Leroux l’ont amené à porter attention à la fréquence des fois où les Blancs font fi des comportements et des critiques antiracistes en se confortant dans leur propre idée. Quand les personnes blanches priorisent le petit malaise temporaire qu’elles ressentent lorsqu’on soulève les problèmes de racisme dans la société et au sein de certaines organisations – un élément de la fragilité blanche – elles arrivent parfois à détourner l’attention de l’extrême violence vécue par les populations autochtones et racialisées à cause du racisme. Il a appelé les Blancs à « réfléchir à leur façon de réagir aux allégations de racisme dans leur milieu » et à suivre l’exemple des personnes d’expérience sur ce plan.

 

Au terme de la séance, chaque présentatrice et présentateur ont expliqué comment chacune et chacun restent dévoués à l’action antiraciste et décolonisatrice. Malgré les diverses raisons soulevées par l’un ou par l’autre – l’espoir dans la jeunesse d’aujourd’hui, le désir de garder les gens en vie et les progrès réalisés au fil des ans – chaque présentatrice et présentateur ont souligné le long chemin qu’il reste encore à parcourir pour remédier au problème.

Balises

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