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Initiatives multisectorielles et renforcement des capacités pour favoriser l’équité en santé durant la petite enfance

Initiatives multisectorielles et renforcement des capacités pour favoriser l’équité en santé durant la petite enfance

Par Dianne Oickle  Dianne Oickle Sur 25 mars 2019

Voici le deuxième de deux blogues sur les iniquités de santé durant la petite enfance.


 

Dans un premier blogue intitulé « L’impact des iniquités, de la pauvreté et du racisme sur la santé des enfants », j’ai parlé de la complexité des iniquités de santé durant la petite enfance, des conséquences qu’ont ces iniquités de santé sur le parcours de vie des enfants et des adultes et du rôle structurel que jouent le racisme et la pauvreté dans la création et l’exacerbation des iniquités. J’y ai souligné que, puisque les causes sont complexes de nature, les solutions doivent nécessairement être complexes aussi. Dans le présent blogue, je traiterai de ce qu’il faut considérer au moment de mettre sur pied des activités multisectorielles et relationnelles afin d’atténuer les iniquités de santé durant la petite enfance au Canada.

Stratégies de réduction des iniquités de santé durant la petite enfance

Il faut modifier les déterminants structurels qui influent sur les conditions de vie de chaque individu pour combler le fossé grandissant en matière d’équité. Il faut aller au-delà de stratégies qui portent sur le mode de vie, l’éducation et le renforcement des compétences, mais qui n’éliminent pas les causes profondes des iniquités, même si elles agissent souvent directement sur les circonstances immédiates des gens.

L’étude de l'organisation DRIVERS for Health Equity (en anglais) [1] traite de stratégies axées sur l’amélioration des politiques pour atténuer les iniquités de santé durant la petite enfance. Les auteurs y font l’analyse des effets dévastateurs de la pauvreté sur les habiletés socioaffectives et cognitives, les communications et le développement du langage. Ils font également valoir l’idée que des améliorations aux conditions de travail et à la protection du revenu des personnes soignantes constituent elles aussi des stratégies d’amélioration des résultats de santé chez les enfants.

Il est tout aussi important par ailleurs pour les praticiens de se pencher sur le mode de prestation des services, car il leur revient de déterminer les services à offrir. Les membres des collectivités auront recours aux seuls programmes auxquels ils peuvent s’identifier dans un contexte bienveillant, qu’ils ont participé à créer et qui ciblent ce qui est important pour eux [2].

Travailler dans plusieurs secteurs à la fois

Deux documents du Conseil canadien des déterminants sociaux de la santé (CCDSS) font état des points à considérer avant de mettre sur pied des initiatives pour le sain développement des jeunes enfants.

Dans le rapport intitulé Mise en œuvre d’initiatives multisectorielles de développement sain durant l’enfance [3], les auteurs font le tour de 10 initiatives pour le sain développement des jeunes enfants. Ils donnent la liste des secteurs qui interviennent dans le processus et des déterminants sociaux sur lesquels l’initiative exerce une incidence, par exemple l’éducation, les réseaux de soutien social, l’emploi et les conditions de travail, la culture et le développement de la petite enfance. Après avoir expliqué les leçons tirées de chaque initiative, les auteurs formulent des recommandations quant à trois grands domaines, c’est-à-dire :

  • la mobilisation des partenaires – déterminez ensemble la mission, les objectifs, l’orientation de la recherche et le mode d’exécution de l’intervention, et choisissez plus particulièrement d’inclure dans le processus des partenaires autochtones et de secteurs non traditionnels;
  • la création de l’équipe – cernez parfaitement les compétences et les aptitudes de chaque partenaire, en déterminant les rôles et responsabilités et en invitant les membres de la collectivité à participer au processus afin de bien cerner les besoins des parents et des familles;
  • les considérations pratiques – faites preuve de souplesse, assurez la logistique et planifiez à long terme.

Le deuxième rapport du CCDSS, Improving healthy child development: Building capacity for action (en anglais) [4], constitue une suite logique du premier. Les auteurs font ici état d’un certain nombre de champs d’action sur lesquels les partenaires multisectoriels pourraient se concentrer pour remédier aux iniquités de santé durant la petite enfance, par exemple :

  • rendre les données multisectorielles accessibles;
  • créer un forum qui servira au dialogue et à l’échange des connaissances;
  • mobiliser les collectivités et les parents;
  • traduire les données probantes sur les enfants à l’intention des responsables de l’élaboration des politiques et du grand public;
  • normaliser l’utilisation des outils de dépistage et d’évaluation utilisés sur les enfants de 0 à 3 ans.

Un réseau multisectoriel, ça ressemble à quoi?

Parmi les exemples de réseau multisectoriel axé sur le développement de la petite enfance (DPE), mentionnons le First 2000 Days Network (en anglais) de Calgary. Ce réseau s’intéresse autant au mode de prestation des services qu’à l’éventail des services offerts, et cherche à favoriser le changement social en s’appuyant sur le modèle d’impact collectif. Le rôle du réseau consiste à encadrer et à soutenir ses organismes membres qui souhaitent : évaluer les programmes en place, en cerner les lacunes et orienter leurs efforts de manière à en améliorer la qualité et déterminer leur capacité à travailler efficacement avec d’autres.

Dans l’étude de cas du First 2000 Days Network intitulée Establishing the pre-conditions for systems-level change in early childhood development (en anglais) [5], les auteurs font les commentaires suivants :

Les programmes et services ne réussiront jamais à eux seuls à améliorer les résultats durant le stade de développement de la petite enfance – la démarche apparemment simple de reconnaître que les programmes et services axés sur le développement de la petite enfance constituent un système en soi vient changer de manière radicale les possibilités de trouver un parcours qui permettrait d’améliorer les résultats durant ce stade [5,p.4]. (Traduction libre)

Partenaires du système de développement de la petite enfance

Quels doivent être les partenaires de ce système de développement de la petite enfance? L’Institut canadien de la santé infantile a créé une série de modules qui donnent accès à des données descriptives sur l’état de santé des enfants du Canada, les enfants en général ou plus particulièrement les enfants autochtones, ainsi qu’à un outil de partenariat pour la petite enfance (en anglais) mis en ligne à l’intention des fournisseurs de services qui travaillent dans le domaine du développement de la petite enfance.

L’outil en question vise à aider les praticiens à déterminer les partenaires d’autres secteurs à mobiliser en invitant les utilisateurs à répondre à quatre questions sur leur travail et leurs fonctions en matière de santé au stade de la petite enfance :

  1. Quel est votre rôle ou le rôle de votre organisme relativement aux jeunes enfants et à leurs familles?
  2. Quels sont les principaux problèmes que vous aimeriez régler pour aider les jeunes et leurs familles dans votre collectivité?
  3. Quels sont les principaux obstacles à faire tomber pour régler les problèmes cernés?
  4. Quels intervenants de la liste suivante font déjà partie de vos partenaires?

Selon vos réponses aux questions, l’outil fait ressortir des partenaires avec qui vous ne travaillez pas pour le moment, plus des ressources pour établir et renforcer les partenariats, de manière à ce que vous puissiez savoir plus rapidement avec quels secteurs vous pourriez travailler pour améliorer votre travail collaboratif dans le domaine du développement de la petite enfance.

Renforcement des relations afin de favoriser l’équité en santé pour les enfants autochtones

Les iniquités de santé chez les enfants autochtones sont indissociables des facteurs structurels liés au colonialisme, au racisme et aux structures sociales injustes. Dans un texte paru récemment en anglais sur la dynamique relationnelle en matière d’équité en santé chez les enfants autochtones [6], on insiste sur l’importance de la responsabilité relationnelle entre les fournisseurs de services et les familles autochtones et de l’accent à placer sur les priorités établies par les peuples autochtones pour leur propre mieux-être plutôt que sur le programme établi par les fournisseurs de santé. Apprendre des familles – et non au sujet des familles – à travers l’expérience vécue de la réalité quotidienne des personnes soignantes est considéré comme primordial. Il importe aussi au plus haut point de reconnaître l’impact de la pauvreté sur l’ensemble de la famille, voire de la collectivité.

On entend par responsabilité relationnelle l’importance de reconnaître que les connaissances et les pratiques culturelles autochtones constituent des déterminants de la santé clés pour les personnes soignantes et les enfants. L’un des principaux points formulés dans la conclusion de ce texte permet aux personnes d’entre nous qui vivent et qui travaillent du côté colonial du système de comprendre que :

La dynamique relationnelle décrite dans le présent document se prête à des contextes autres qu’autochtones, à d’autres programmes axés sur [le développement de la petite enfance] et sur la mère-enfant pour les familles qui subissent les conséquences des iniquités structurelles […] interrompant les parcours qui relient l’expérience vécue de la défavorisation sociale par les enfants autochtones durant leur petite enfance aux risques plus élevés de subir des iniquités de santé plus tard, en grandissant et en vieillissant [6,p.116-117].

Au cœur de la démarche relationnelle avec les collectivités autochtones, nous devons également solliciter les conseils des dirigeants des collectivités autochtones afin de savoir cerner les besoins pour améliorer l’expérience vécue par les jeunes enfants autochtones. Comme l’a souligné l’équipe du Centre de collaboration nationale de la santé autochtone, le « cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones » : « énonce une vision commune de la mise en œuvre de programmes d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones qui soient de qualité, adaptés à leur culture et à leur langue, accessibles et abordables » [7].

Le cadre tient compte des préoccupations communes des collectivités autochtones tout en reconnaissant les différences de priorités entre les Premières Nations, les Inuits et les Métis en matière de développement de la petite enfance et de services de garde d’enfants.

Pour interrompre les parcours liés aux iniquités de santé durant la petite enfance, il faut aller plus loin que simplement atténuer les effets des conditions sociales et physiques négatives et les détruire à la racine.

 

Photo : Daiga Ellaby

 

Références bibliographiques

[1.] Goldblatt, P., J. Siegrist, O. Lundberg, C. Marinetti, L. Farrer, et C. Costongs. (2015). Improving health equity through action across the life course: summary of evidence and recommendations from the DRIVERS project [Internet]. London (R.-U.), Bruxelles (Belgique) : UCL Institute of Health Equity, EuroHealthNet [cité le 20 décembre 2018], 14 p. Accessible à https://eurohealthnet.eu/sites/eurohealthnet.eu/files/publications/DRIVERS_Recommendations_rel2.pdf

[2.] Moore, T., M. McDonald, et H. McHugh-Dillon. (2015). Evidence review: Early childhood development and the social determinants of health inequities [Internet]. Victoria (Australie) : Victorian Health Promotion Foundation [cité le 20 décembre 2018], 133 p. Accessible à https://www.rch.org.au/uploadedFiles/Main/Content/ccch/151014_Evidence-review-early-childhood-development-and-the-social-determinants-of-health-inequities_Sept2015.pdf

[3.] Conseil canadien des déterminants sociaux de la santé. (2017). Mise en œuvre d’initiatives multisectorielles de développement sain durant l’enfance : leçons tirées d’interventions communautaires [Internet]. Ottawa (Ont.) : CCDSS [cité le 20 décembre 2018], 24 p. Accessible à http://ccsdh.ca/images/uploads/FR_Implementing_Multi-Sectoral_HCD_Initiatives.pdf 

[4.] Conseil canadien des déterminants sociaux de la santé. (2015). Améliorer le développement sain de l’enfant : Renforcer les capacités d’action. Sommaire des entrevues avec les experts – Document de travail [Internet]. Ottawa (Ont.) : CCDSS [cité le 20 décembre 2018], 24 p. Accessible à http://ccsdh.ca/images/uploads/Améliorer_le_développement_sain_de_l’enfant.pdf

[5.] First 2000 Days Network. (Date inconnue). First 2000 days network case study: Establishing the pre-conditions for systems-level change in early childhood development. Calgary (Alb.) : First 2000 Days Network [cité le 20 décembre 2018], 16 p. Accessible à http://www.2000days.ca/first-2000-days-key-documents/

[6.] Gerlach, A.J., A.J. Browne, et M.J. Suto. (2018). Relational approaches to fostering health equity for Indigenous children through early childhood intervention. Health Sociology Review. Vol. 27, no 1, p. 104-119.

[7.] Centre de collaboration nationale de la santé autochtone. (2018). Cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones [Internet]. Prince George (C.-B.) : CCNSA [cité le 24 mars 2019], [environ 4 écrans]. Accessible à https://www.nccah-ccnsa.ca/543/Nouvelles_du_CCNSA.nccah?id=438

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