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Le Nouveau-Brunswick place les déterminants sociaux de la santé au cœur des interventions pour stopper la COVID-19

Le Nouveau-Brunswick place les déterminants sociaux de la santé au cœur des interventions pour stopper la COVID-19

07 juin 2023

Ce récit rédigé dans le cadre du projet « L’équité en action » est tiré d’un entretien tenu avec Heather Chase, développeuse communautaire au sein des services de santé communautaire du Réseau de santé Horizon, au Nouveau-Brunswick. La rencontre ayant eu lieu en juillet 2022, il importe de la situer dans son contexte d’alors.


Alors que, dans d’autres provinces et territoires, la plupart des membres du personnel de santé étaient réaffectés à la lutte contre la pandémie, au Nouveau-Brunswick, notre équipe chargée de l’équité à la régie régionale de la santé était maintenue en place. Nous avons ainsi pu faire prendre en compte les priorités concernant l’équité et les populations dans les processus de planification et d’intervention pour mettre fin à la pandémie. La reconnaissance de l’importance des connaissances des gens et de l’action intersectorielle s’est révélée primordiale sur ce plan.

 

Aussi loin que je me souvienne, le Nouveau-Brunswick manifeste un vif intérêt pour les déterminants sociaux de la santé et l’équité en santé. Mes fonctions de développeuse communautaire au sein du Réseau de santé Horizon (Horizon) traduisent cette priorité. Je suis responsable d’être à l’écoute des besoins et des priorités des membres de la collectivité, et de faire entendre leur voix. Je m’applique ensuite non seulement à plaider en faveur de mesures pour y répondre, mais aussi à contribuer aux initiatives locales et à l’action intersectorielle en ce sens. Lorsque la pandémie est survenue, le gouvernement provincial savait qu’il fallait absolument tenir compte des déterminants sociaux de la santé et de l’équité en santé dans les mesures prises pour juguler la propagation de la COVID-19.

 

Priorité à l’équité grâce au maintien des postes en développement communautaire dans les populations locales

Soucieux d’équité, le Nouveau-Brunswick a protégé au sein d’Horizon les postes en développement communautaire du redéploiement du personnel à la lutte contre la COVID-19. Une décision inusitée, car d’autres provinces avaient décidé de réaffecter leur personnel de la santé à la gestion des éclosions ou des cas et à la recherche des contacts. Nous avons évité dans ce contexte de perdre de vue l’importance de l’action communautaire axée sur l’équité. Comme nous restions en poste, nous étions en mesure de faire prendre en compte la perspective communautaire et la priorité qu’est l’équité dans les interventions mises en place pour stopper la pandémie.

De nombreux facteurs ont influencé la décision de maintenir le personnel en poste. L’équipe d’Horizon est petite et la structure est horizontale, c’est-à-dire peu hiérarchisée et facile à naviguer. Tous les membres de l’équipe partagent les valeurs d’équité. Dans la région, notre gestionnaire a déjà travaillé au développement communautaire au cours de sa carrière. L’importance de maintenir les développeurs communautaires en place dans les quartiers ne lui échappe donc pas. Les cadres de direction et les vice-présidents partagent les mêmes valeurs, alors tout le monde avait conscience de l’importance pour nous de maintenir nos liens avec les populations locales et de continuer d’être à leur écoute. Nous avons eu la chance de ne pas avoir à défendre la pertinence de rester sur le terrain.

La valeur du travail de développement communautaire a été mise en lumière tout au long de la lutte contre la pandémie. Raison de plus pour nous protéger d’une réaffectation. Nous nous appuyons sur un cadre conceptuel des déterminants de la santé pour faire valoir l’importance de prioriser l’équilibre entre la santé mentale et la santé physique. Nous avions la perspicacité de savoir l’incidence qu’aurait inévitablement la fermeture des programmes ou des services pour juguler la propagation de la COVID-19, c’est-à-dire des troubles sociaux attribuables à des problèmes de santé mentale, d’insécurité alimentaire et ainsi de suite. Nous savions qu’il y aurait un effet d’entraînement. Nous ne craignions pas d’exprimer nos préoccupations à cet égard et de plaider pour des mesures d’atténuation. Les personnes qui travaillent en développement communautaire disposent par ailleurs d’un réseau très étendu. Nous avions l’habitude du travail intersectoriel. Nous avons donc pu réunir des partenaires qui n’avaient jamais travaillé ensemble auparavant et réussir à les faire collaborer à des dossiers comme l’aide aux consommateurs de substances psychoactives.

 

Communication améliorée grâce à la présence sur le terrain

Nous savions qu’il fallait une communication claire et simple. Nous avons exprimé nos préoccupations relativement aux lacunes de la stratégie de communication provinciale sur ce plan. Les hauts fonctionnaires tenaient par exemple des points de presse d’une heure diffusés à la grandeur de la province. Certaines personnes n’avaient pas le temps de s’asseoir et de les écouter jusqu’au bout. D’autres n’avaient pas accès à l’Internet et d’autres encore ne comprenaient pas nécessairement le vocabulaire employé pour donner l’information. En plus des limites du canal de communication, le message lui-même manquait d’équité. Le principal message disait : « Si vous vivez avec une personne testée positive à la COVID-19, celle-ci devrait s’isoler dans une pièce séparée de la maison et utiliser une salle de bain séparée aussi. » Ce genre de message donne à penser que les gens vivent dans des maisons dotées de plusieurs pièces et salles de bains – naturellement, il en est tout autre pour la plupart du monde.

Nous avons pu faire remonter nos préoccupations au sujet des messages à la haute direction grâce à la table ronde sur les mesures d’urgence sanitaire. Nous avons utilisé l’approche d’engagement communautaire pour organiser une séance de discussion entre les fonctionnaires du gouvernement provincial et les gens de la collectivité. Les fonctionnaires ont profité de la séance pour communiquer dans un langage plus simple et plus clair les mesures de protection contre la COVID-19 directement aux populations locales.

Sur le continuum de l’engagement communautaire, la séance se situe sur l’axe « informer », ce qui correspond au premier degré1. L’une des leçons apprises est que l’engagement communautaire se veut un processus continu, non pas isolé, et que les occasions ne manqueraient pas de faire participer la population aux séances à venir. La valeur de notre travail de développement communautaire s’est également confirmée. Grâce à notre intégration dans le milieu et à notre expérience de communication avec les gens, nous savons nous y prendre pour communiquer de façon claire et simple. Nous avons aidé les hauts fonctionnaires du gouvernement provincial à comprendre la différence entre communiquer avec les populations locales et communiquer avec leurs homologues d’autres ministères ou de grandes organisations.

Nous avons aussi puisé dans nos réseaux et nos relations pour recruter à même les organismes communautaires et les populations locales des gens pour assister aux séances. Les gens hésiteront moins à se présenter si l’invitation provient d’un organisme auquel ils font confiance et avec lequel ils ont déjà des liens que si elle provient d’un organisme dont ils ignorent à peu près tout, comme le Ministère.

 

Priorité à l’équité grâce à de nouvelles approches de collaboration intersectorielle

En plus de maintenir les postes en développement communautaire, le gouvernement néo-brunswickois a mis sur pied des Comités voués à la résilience régionale partout dans la province, ce qui s’inscrivait aussi dans son approche d’équité. Les comités relevaient du ministère de la Justice et de la Sécurité publique et se composaient en majeure partie de fonctionnaires qui y avaient été détachés. Quelques-uns des développeurs communautaires chez Horizon y ont ainsi été détachés, comme moi, par exemple.

La vision entourant les comités était de réunir des personnes de divers horizons et de leur demander de proposer des solutions aux problèmes posés par la lutte contre la pandémie qui s’appliqueraient à l’ensemble des ministères et des secteurs, favorisant du coup l’action intersectorielle. Les comités avaient pour objectif de faire travailler les partenaires du système de façon novatrice et différente pour briser les cloisonnements et répondre en priorité aux besoins des populations. Chemin faisant entre la conception et la concrétisation de l’action intersectorielle, nous avons fait face à certaines difficultés.

Parmi les obstacles rencontrés par les comités, mentionnons l’incapacité de déterminer les priorités des populations. Il n’était pas toujours facile de communiquer les données rapidement et avec exactitude. Horizon avait vécu le même genre de problème déjà. Dans bien des cas, les données locales restaient exclusives, désuètes et trop générales pour formuler des hypothèses. Nous nous posions des questions du genre : Comment obtenir le vrai portrait de la situation? Comment savoir où se situent les lacunes? Comment mesurer les effets de notre démarche? Nous n’avions aucune idée des approches, des données collectées ou des aspects mesurés par les autres ministères. Des occasions manquées de réfléchir à l’interrelation ou à la coordination entre les secteurs transparaissaient dans nos efforts de suivi.

Horizon a pris les mesures nécessaires pour tirer profit de cet apprentissage. Nous sommes à mettre sur pied pour le comté de Charlotte une table régionale pour la collecte des données afin que toutes les données locales pertinentes soient recueillies à un seul endroit, ce qui favorisera le travail intersectoriel.

 

Possibilité pour la santé publique d’assurer une plus grande équité en laissant les populations prendre les rênes

Chez Horizon, le développement communautaire doit s’harmoniser aux priorités locales qui sont établies au moyen d’évaluations des besoins en santé communautaire. Nos objectifs consistent d’abord à écouter sans juger et à soutenir la population. Comme je le souligne parfois : « Les gens sont notre raison d’être. » Aussi, notre travail nous offre la souplesse nécessaire pour essayer de répondre à tous les besoins susceptibles de faire surface. Bien que nous travaillons chez Horizon, une autorité de santé, nous nous appuyons sur le cadre conceptuel des déterminants sociaux de la santé pour relier toute priorité locale à la santé afin de pouvoir répondre aux besoins.

Horizon tire parti de sa taille et de ses relations pour adapter nos interventions aux priorités locales. Nous sommes en mesure, par exemple, de faire le pont entre le gouvernement provincial et la collectivité comme nous l’avons fait avec les séances de discussion fondées sur l’approche d’engagement communautaire. En plus, nous appliquons concrètement les mesures de santé publique sur le terrain. C’est ainsi que j’ai moi-même reçu un appel au début de l’intervention mise sur pied pour stopper la pandémie d’un individu travaillant dans le système des centres d’hébergement temporaire. Il fallait faire tester une personne et il n’y avait aucun moyen de se rendre à un centre de dépistage de la COVID-19. L’individu en question ne savait pas trop où appeler. Comme je faisais partie de son réseau de relations, il a composé mon numéro pour savoir si je pouvais l’aider. J’ai pu téléphoner à d’autres partenaires pour trouver une solution, parce que j’avais déjà établi des liens et une bonne communication avec eux aussi. La situation nous a poussés à plaider pour des services de dépistage mobiles afin d’amener les tests de dépistage à proximité des gens.

Quel que soit le projet, la population devrait prendre les rênes et les partenaires du gouvernement, y compris le personnel de la santé publique et de la santé des populations, devraient la soutenir. Bien que les organismes de santé disposent des ressources et de l’information à fournir aux populations, les populations peuvent plus facilement naviguer les contextes historiques et culturels. Nous pourrons avancer plus vite en termes de santé des populations si nous acceptons de jouer un rôle de soutien et si nous laissons les populations diriger les initiatives. Nous devrions donner la priorité « à la voix et au choix » des membres de la collectivité, ce qui reflète les principes de soins centrés sur la personne.

Pour moi, travailler en tenant compte de l’équité revient à soutenir la personne devant moi, sans juger ou sans avoir d’idées reçues au sujet de son vécu ou de sa situation actuelle. Toute personne, quel que soit son travail, peut adopter l’approche d’équité en posant des questions et en prêtant une oreille attentive à ce que les gens ont à dire.

 

Tirer parti des leçons retenues pour continuer de faire avancer l’équité au Nouveau-Brunswick

Devant la situation de crise, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a intentionnellement continué de prioriser l’équité pour la santé de sa population, ce qui a grandement influencé l’intervention pour juguler la progression de la COVID-19 et le rétablissement de la pandémie. Il a démontré son engagement envers l’équité et les connaissances locales en protégeant les postes en développement communautaire et en mettant sur pied des Comités voués à la résilience régionale. Nous tirerons parti des leçons retenues tout au long de la période de rétablissement de la pandémie et de nos prochains projets.

Les Comités voués à la résilience régionale poursuivent leurs activités. Leur mandat concerne toutefois davantage aujourd’hui la résilience à long terme que la lutte contre la pandémie. En concertation avec une quinzaine de partenaires autour de la table, nous avons défini dans les derniers mois les priorités des populations. Comme l’une des priorités avait trait à l’amélioration de la capacité à rédiger des demandes de subventions, nous avons retenu les services d’une personne spécialisée dans ce domaine pour soutenir les organismes à but non lucratif.

De manière générale, l’interdépendance des déterminants de la santé et l’illogisme de réduire des questions complexes à un seul secteur font de moins en moins de doute. Il reste que les systèmes ne sont pas conçus pour accommoder des approches intersectorielles. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, la tendance demeure « centrée sur les programmes » par opposition à « centrée sur la personne ». Il peut donc se révéler difficile, au moment de faire valoir l’action intersectorielle, de choisir la voie à suivre. Nous devons maintenant pousser plus loin et, non seulement créer des occasions de travailler de manière collaborative –, mais aussi nous montrer déterminés à démanteler les structures et les cloisonnements qui font obstacle à la concrétisation d’idées créatives et collaboratives.

 

Leçons retenues :

Chaque groupe de population connaît bien l’histoire, le contexte culturel et les priorités qui leur sont propres.

Les acteurs des secteurs de la santé et de la santé publique ont la responsabilité d’écouter les gens et de partager le pouvoir avec les groupes de population et les intervenants d’autres secteurs, et de renforcer ainsi la capacité de leadership communautaire.

Les services de santé des populations et ceux de santé publique ont un rôle à jouer en termes de plaidoyer et de création de méthodes de travail pour promouvoir le leadership communautaire.

Il importe de prendre en compte l’équité dans les décisions concernant les programmes pour assurer que les efforts déployés en matière de santé des populations servent les gens qui vivent dans les conditions les plus vulnérables.

1Le continuum de l’engagement communautaire comporte cinq degrés de participation qui vont du premier, soit « informer » (c.-à-d., simplement fournir l’information) jusqu’au plus haut degré, soit « outiller » (c.-à-d., partager le pouvoir de participer au processus décisionnel final). Sources : https://www.alberta.ca/opioid-agonist-therapy-gap-coverage-program.aspx (en anglais) et https://www.tamarackcommunity.ca/hubfs/Inventaire%20des%20m%C3%A9thodes%20dengagement%20communautaire.pdf


Contexte :

Le Réseau de santé Horizon est la plus grande régie régionale de la santé du Nouveau-Brunswick. Il a pour mandat de fournir des services de santé communautaire, y compris des services de soins primaires, de traitement des dépendances et de santé mentale, de santé publique et de santé des populations.

Les membres des Comités voués à la résilience régionale élaborent en concertation avec les réseaux en place des plans de relance à long terme afin d’aider les collectivités à améliorer leurs capacités dans des secteurs clés touchés par la pandémie. Chaque région planche sur son propre plan afin de prendre les mesures nécessaires pour combler les lacunes et les besoins à l’échelle locale. Au moment de rédiger ces lignes, le gouvernement néo-brunswickois s’apprêtait à dissoudre les Comités dans le cadre d’un important processus de restructuration. Il en a transféré le mandat à un autre ministère et changé le nom à Commissions de services régionaux. Le fonctionnement des nouvelles entités demeure toutefois à préciser.

Ressources : 

Récit figurant sur le site Web du Réseau de santé Horizon : Le développement communautaire est une composante fondamentale des soins de santé.


Pour en savoir plus au sujet de la démarche décrite dans le présent récit, adressez-vous au Centre de collaboration nationale des déterminants de la santé au [email protected].

Avez-vous une idée de récit pour l’initiative L’équité en action? Si vous avez entendu parler d’autres initiatives visant à promouvoir l’équité en santé dans le cadre de la lutte pour mettre fin à la pandémie et que nous devrions faire connaître, n’hésitez pas à nous en faire part.

Balises

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