Les services de santé publique de l’Alberta réussissent à stopper les éclosions dans les maisons d’hébergement de Calgary
Ce récit rédigé dans le cadre du projet « L’équité en action » est tiré d’un entretien tenu avec la Dre Richelle Schindler, médecin-hygiéniste, Services de santé de l’Alberta – zone de Calgary, et le Dr William Stokes, médecin spécialiste en microbiologie médicale au Laboratoire de santé publique de l’Alberta – Alberta Precision Laboratories (APL). La rencontre ayant eu lieu en mars 2022, il importe de la situer dans son contexte d’alors.
Depuis la première éclosion de COVID-19 en Alberta, les membres du personnel des bureaux et des laboratoires de santé publique ont tout fait pour s’adapter aux nouveaux variants. Le personnel des Services de santé de l’Alberta a assuré la gestion des éclosions dans les centres d’hébergement d’urgence en travaillant en partenariat pour implanter les nouvelles techniques de dépistage rapide qui permettaient de tester rapidement la clientèle des services d’hébergement. L’initiative a permis de lutter de manière efficace contre les poussées épidémiques dans le milieu. |
Relever le défi de juguler les éclosions dans les centres d’hébergement d’urgence
La multiplication des vagues de COVID-19 en Alberta nous a fait prendre conscience d’un gros problème d’équité. Dès le départ, nous avons dû affronter d’importantes éclosions dans le système des centres d’hébergement, et nous avions de la difficulté à gérer la situation de manière efficace. Il s’agit de milieux très achalandés où les gens changent souvent de place. La COVID-19 avait donc tout le loisir de se propager comme une traînée de poudre. Il s’avérait compliqué d’évaluer avec précision le nombre de cas et d’empêcher la contamination si une personne était asymptomatique et si elle avait en plus des problèmes de santé concomitants susceptibles de masquer les symptômes de la maladie. Des individus très à risque de contracter et de transmettre le virus avaient recours aux services d’hébergement. Ces gens sont moins susceptibles de disposer d’un endroit pour s’isoler en toute sécurité s’ils développent des symptômes ou testent positifs à un test de dépistage.
Pour remédier à la situation, il a fallu mettre en place un système à l’intention des individus sans domicile fixe ayant reçu un résultat positif ou manifestant des symptômes et tenus de s’isoler. Il fallait toutefois présenter des symptômes et avoir obtenu un diagnostic de la maladie pour avoir accès au service, d’où l’intérêt du projet.
Au moment de la conception du projet, toute personne pouvait, en principe, se présenter à un centre de dépistage et se faire tester sans vraiment avoir à donner de raison. Comme très peu d’individus sans domicile fixe ont accès à du transport, les cliniques de dépistage au volant n’étaient pas une option pour eux. La prise de rendez-vous en ligne constituait une autre option, mais avaient-ils accès à l’Internet? Probablement pas. En plus, bien que les usagers aient accès gratuitement au réseau Internet sans fil dans les bibliothèques, celles-ci avaient été fermées. Il était par ailleurs souvent difficile d’effectuer un suivi auprès des personnes ayant réussi à se rendre à une clinique pour un test PCR parce qu’il se passait généralement plusieurs jours avant de pouvoir les informer du résultat.
Nous devions trouver le moyen de freiner la propagation du virus de manière efficace dans les maisons d’hébergement d’urgence en sachant que les individus changent constamment d’endroit pour dormir, sont susceptibles d’être asymptomatiques et doivent se soumettre à un test de dépistage à la COVID-19 avant de pouvoir avoir accès aux sites d’isolement qui leur sont destinés. Notre solution temporaire avait consisté jusqu’alors à affecter des équipes mobiles aux prélèvements dans les maisons d’hébergement. Les tests avaient lieu seulement une fois par semaine. Les individus qui n’étaient pas sur place à ce moment-là rataient leur chance. Du point de vue de la surveillance des cas, nous étions incapables de brosser avec exactitude le portrait de la situation des éclosions avec le peu de données en main.
Parvenir à un juste équilibre : comparer les options de dépistage en termes d’exactitude, de rapidité et d’équité
Nous avions pour objectif de ralentir la progression de la pandémie dans le réseau des maisons d’hébergement de l’Alberta de manière équitable et durable tout en respectant l’autonomie de chaque individu. Nous ne pouvions pas retenir les gens de force dans un lieu d’hébergement ni les empêcher d’avoir accès aux services nécessaires s’ils n’étaient pas positifs. Nous devions tout de même assurer un juste milieu entre ces deux réalités pour contenir les éclosions dès leur apparition. Il nous fallait une solution au dépistage afin de fournir les résultats des tests rapidement et avec exactitude sur les lieux d’intervention, dans le réseau d’hébergement.
Abbott test de détection moléculaire rapide |
C’est à ce moment-là que nous avons décidé de faire équipe avec le laboratoire de santé publique de l’Alberta. L’équipe du laboratoire nous donnait accès à ses mécanismes de dépistage et avait déjà déterminé qu’il fallait considérer les maisons d’hébergement comme une priorité. Nous nous sommes assis ensemble et avons discuté des meilleures options quant aux tests de dépistage, au contexte, aux problèmes d’équité et à la démarche la plus sensée à adopter. L’une de nos questions lors de nos conversations était : « Comment réussir à jongler avec plus d’une priorité en même temps, c’est-à-dire l’exactitude, la rapidité et l’équité? » Les tests rapides courants ne donnaient pas des résultats aussi précis que les tests PCR analysés en laboratoire. Il fallait cependant attendre plus longtemps avant d’obtenir le résultat d’un test PCR, ce qui présentait un problème avec une population sans domicile fixe. Nous devions nous poser des questions du genre « Est-ce qu’un test rapide compense le manque de précision dans ce contexte? Est-ce inéquitable d’offrir un test moins précis à des personnes en situation de vulnérabilité? »
En plus de notre partenariat avec l’équipe du laboratoire, nous avons reçu beaucoup d’aide des gens du milieu. L’équipe de soins mobiles intégrés a mobilisé ses véhicules et les équipes paramédicales locales pour s’occuper de la gestion des cas de COVID-19 déclarés et de la mise en place des diverses options de tests rapides. Ce soutien nous a grandement aidés à effectuer les premières recherches nécessaires pour prendre une décision éclairée au sujet du test le mieux adapté à la population.
Nous avons opté d’un commun accord pour le test de détection moléculaire rapide. Celui-ci avait l’avantage d’être plus précis que le test antigénique rapide et de pouvoir être administré sur place, dans les maisons d’hébergement. Le test de détection moléculaire rapide est analysé à l’aide d’un petit instrument que l’on peut brancher dans n’importe quelle prise de courant. Il convient donc bien aux maisons d’hébergement.
Collaborer avec des partenaires du milieu pour faciliter l’administration de tests rapides dans les maisons d’hébergement
Nous avons pris conscience de la valeur des relations avec les gens du milieu lors de l’instauration de notre système de dépistage. Nos collègues ont donné les premières formations sur les outils et les techniques de prélèvement, mais ont dû prendre une pause pour le congé des Fêtes. Le personnel des maisons d’hébergement qui avait reçu la formation s’est attelé à la tâche de former le personnel d’autres maisons d’hébergement pour ne pas ralentir le processus, ce qui témoigne de la force et de la résilience des organismes communautaires. Lorsque la situation devenait critique, nous changions de méthode pour que les prestataires de soins autres que ceux de la santé s’occupent de faire les prélèvements et d’insérer les écouvillons dans les machines. Le personnel de la santé publique, des laboratoires et des lieux d’hébergement savait bien que la situation continuait d’évoluer et qu’il fallait s’adapter constamment.
De tels efforts collaboratifs nous ont permis d’améliorer la façon dont était vécu le dépistage pour la clientèle des services d’hébergement. Une fois la nouvelle technique instaurée, les gens acceptaient plus facilement de se conformer aux exigences quant aux prélèvements. Les vagues subséquentes se sont révélées plus courtes et mieux maîtrisées, malgré le relâchement des mesures. Le nombre d’hospitalisations a chuté aussi. Nous avons pu contenir la progression de la maladie et lutter contre la COVID-19 dans la collectivité et plus particulièrement dans les milieux d’aide aux populations vivant des iniquités, comme les personnes sans domicile fixe.
Faire de notre vision une réalité : dépistage sur les lieux d’intervention au-delà de la gestion des éclosions
Nous avons la chance en Alberta de disposer d’un excellent système de laboratoire de santé publique, et la pandémie est venue mettre en lumière son travail. Le laboratoire n’a jamais ralenti la cadence même entre les vagues de COVID-19. Il a continué de rouler à plein régime, le personnel travaillant sans arrêt pour fournir des soins de qualité à la population malgré la pression exercée sur tous les systèmes. La capacité et la détermination du personnel de laboratoire ont joué un rôle crucial dans la réussite des efforts pour juguler la pandémie.
Le dépistage et le traitement sur les lieux d’intervention peuvent combiner différents services, permettant ainsi d’aller à la rencontre des personnes marginalisées directement sur place. Il était très intéressant d’intégrer la nouvelle technologie dans les mesures prises pour lutter contre la pandémie. Nous ferons de même dans d’autres aspects de notre travail. Si nous y sommes parvenus ici, pourquoi pas ailleurs? Nous consacrerons la même énergie à poursuivre et à soutenir notre démarche pour l’équité. Nous devons absolument disposer des outils nécessaires sur place, sur les lieux d’intervention, pour réussir à nous rétablir de la pandémie. Le personnel des soins de courte durée ne peut tout diriger seul — nous voulons que les gens du milieu soient au cœur de la démarche. Dans nos projets, nous puiserons dorénavant dans notre expérience des tests de dépistage et veillerons à consulter les personnes qui ont l’expérience vécue. Notre intervention nous a fait prendre conscience que nous pouvons obtenir rapidement des résultats si nous unissons nos efforts – et nous pouvons en faire profiter la population.
Leçons retenues :
Il faut des solutions novatrices, comme procéder aux tests de dépistage sur les lieux d’intervention des organismes communautaires, si les pratiques, les politiques ou les systèmes isolent encore plus les personnes et les communautés déjà marginalisées ou perpétuent les iniquités existantes. |
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Le partenariat avec l’Alberta Precision Laboratories, parce que son personnel connaît et a accès à des outils technologiques de pointe, montre la valeur de la collaboration pluridisciplinaire et de la collaboration avec de nouveaux partenaires de divers milieux pour chercher des solutions novatrices. |
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La population et plus particulièrement les gens ayant l’expérience vécue devraient occuper une place de choix dans le processus de planification des initiatives les concernant afin de veiller à l’adoption de mesures axées sur l’équité. |
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La COVID-19 a mis en évidence les objectifs que les services sociaux et de santé ont en commun, par exemple fournir des services de qualité sur les lieux d’intervention aux populations méritant l’équité. En concentrant leur attention sur les objectifs communs, les partenaires peuvent plus rapidement mettre en place des solutions collectives. |
Contexte
Les Services de la santé de l’Alberta – zone de Calgary est un système de santé intégré mandaté pour fournir des services de santé à plus de 4,4 millions d’Albertains et d’Albertaines, ainsi qu’à des résidents de la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique et des Territoires du Nord-Ouest. Pour de l’information en français, consultez le site Web du Réseau santé Alberta.
L’Alberta Precision Laboratories est une filiale en propriété exclusive des Services de la santé de l’Alberta (AHS) et est chargée de la prestation de services d’analyse diagnostique de qualité à la population albertaine pour le compte de l’ensemble du système de santé.
La Mobile Integrated Healthcare team (équipe de soins mobiles intégrés) est formée d’équipes paramédicales locales responsables de se déplacer sur les lieux d’intervention afin de fournir des soins de santé d’urgence, y compris l’évaluation, le traitement et le diagnostic des personnes du milieu en collaboration avec les prestataires de soins de santé de chaque patient.
Photo Credit : Calgary Drop-In Centre, Abbott
Pour en savoir plus au sujet de la démarche décrite dans le présent récit, adressez-vous au Centre de collaboration nationale des déterminants de la santé au [email protected].
Avez-vous une idée de récit pour l’initiative L’équité en action? Si vous avez entendu parler d’autres initiatives visant à promouvoir l’équité en santé dans le cadre de la lutte pour mettre fin à la pandémie de COVID-19 au Canada, n’hésitez pas à en informer.
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