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Santé publique Peel s’attaque aux iniquités en milieu de travail et facilite l’accès aux mesures de protection pour les travailleurs durant la pandémie de COVID-19

Santé publique Peel s’attaque aux iniquités en milieu de travail et facilite l’accès aux mesures de protection pour les travailleurs durant la pandémie de COVID-19

Mars 29, 2022

Ce récit rédigé dans le cadre du projet « L’équité en action » est tiré d’un entretien tenu avec la Dre Lawrence Loh (médecin hygiéniste) et Paula Smith (conseillère, équité et engagement communautaire) de Santé publique Peel. La rencontre ayant eu lieu en septembre 2021, il importe de la situer dans son contexte d’alors.


 

Le récit des événements survenus dans Peel durant la pandémie de COVID-19 se réduit en fin de compte au récit des effets des iniquités pour la santé. Économiques, sociodémographiques ou ethnoculturelles de nature, les disparités et les iniquités déjà répandues dans Peel avant l’émergence du coronavirus ont fleuri sur le terreau fertile de la COVID-19 durant les trois premières vagues de la pandémie, et il a fallu faire face au ressac.   

 

Et si je ne peux pas rester à la maison même si je suis malade? – La précarité de l’emploi ne fait qu’augmenter le risque de s’exposer et d’être infecté à la COVID-19.

Bâtie à l’origine comme banlieue-dortoir de Toronto autour de l’aéroport le plus achalandé du Canada, Lester-B.-Pearson, notre région est une plaque tournante de la circulation des marchandises et de l’industrie manufacturière. Pour parler des milieux de travail et des problèmes systémiques et évitables s’y rattachant, nous devons d’abord établir le lien avec la spécificité du monde du travail dans notre région.

Travailler de la maison se révèle impossible pour un grand nombre de personnes habitant dans Peel. Un emploi dans les domaines du transport, de la livraison ou de la fabrication des marchandises implique une interaction en personne et probablement un contact étroit avec d’autres individus dans un contexte où il n’est pas toujours possible de prendre toutes les précautions voulues. Qui plus est, un bon nombre de ces emplois sont aujourd’hui occupés par des immigrants récents ou des personnes racisées, c’est-à-dire des individus parmi les plus vulnérables de notre région et les plus souvent à la merci d’employeurs qui n’ont pas la motivation ni le sens moral d’assurer la protection de leur personnel, même en temps normal.

En sont des exemples les travailleurs temporaires et au service d’agences de placement qui travaillent dans plus d’un lieu et qui rentrent au travail après avoir reçu un appel parce qu’ils n’occupent pas un emploi stable. Des gens de la région sont allés travailler pour des employeurs qui omettaient certaines précautions, soit par scepticisme envers la COVID-19, soit par conviction que les précautions étaient inutiles ou nuisaient à leur bénéfice net. Notre analyse des données montre que, parmi les cas de coronavirus durant la deuxième vague, une personne sur quatre s’était rendue au travail en étant symptomatique. Ces individus avaient souvent dû faire un choix impossible entre adhérer aux consignes de la santé publique ou toucher leur chèque de paye. Rester à la maison voulait dire ne pas recevoir leur paye, alors que se rendre au travail en étant malade augmentait le risque d’éclosion, pas par leur propre faute. Il est devenu évident durant la lutte contre la pandémie que ces gens se heurtaient à des choix pénibles au beau milieu d’un système perpétuant ni plus ni moins les iniquités et les disparités qui influencent leurs choix.

 

Défendre les travailleurs aux conditions de travail précairesPeel Public Region Vaccination Clinic

Nous nous sommes efforcés par tous les moyens de surmonter les obstacles et d’améliorer l’accès aux mesures de protection pour la population de notre région.

Nous avons plaidé en faveur de politiques comme les congés de maladie payés et les mesures de protection pour les travailleurs. S’ils n’avaient pas droit à des congés de maladie payés, les gens avaient moins tendance à s’isoler s’ils tombaient malades. S’ils n’avaient pas la possibilité de s’absenter du travail, ils n’étaient pas plus enclins à se faire tester ou à se faire vacciner. Ce sont les travailleurs temporaires ou au service d’une agence de placement ou à temps partiel qui se trouvaient le plus souvent dans cette situation parce qu’ils n’avaient pas les mêmes avantages sociaux ni les mêmes droits que les autres. Nous avons également établi des partenariats avec des organismes communautaires afin d’entrer en contact avec les individus embauchés par des agences de placement. Nous avons examiné en profondeur la situation de ces travailleurs et plaidé auprès du gouvernement provincial en faveur d’une surveillance plus étroite. Nous avons en outre travaillé avec des défenseurs des travailleurs afin de mettre sur pied un programme de logements destinés à l’isolement, d’abord avec le gouvernement fédéral puis avec le gouvernement provincial. Nous savions que, de façon générale, ces travailleurs cohabitent sous le même toit, ce qui se révèle propice à la propagation très rapide de la pandémie.

Nous avons travaillé étroitement avec le Réseau local d’intégration des services de santé du Centre de l’Ontario pour accroître la capacité de faire des tests de dépistage, y compris à l’aide des services mobiles, et de faciliter l’accès aux tests. Le point d’ancrage de la communauté sud-asiatique se situe dans le nord-est de Brampton. En concertation avec le groupe de travail sud-asiatique, nous avons mis sur pied un centre de dépistage adapté à la culture, et l’avons transformé en centre de vaccination par la suite.

Le système de santé et de sécurité au travail relève en Ontario à la fois du service de santé publique et du service de santé et de sécurité au travail. Ce dernier détient le principal mandat en termes de mesures et de politiques de prévention à appliquer par l’employeur afin d’assurer la sécurité sur le lieu de travail. La santé publique intervient lorsque des éclosions ou des problèmes de santé précis surviennent sur un lieu de travail et menacent de s’étendre à la population en général. C’est ce qui s’est passé lors de la troisième vague. Nous avons mis en place des dispositions de la Loi en matière de santé et sécurité au travail afin d’exiger des employeurs de signaler toute occurrence de deux cas ou plus de COVID-19 en l’espace de deux semaines et de fermer tout lieu de travail si plus de cinq cas les concernaient directement.

Par ailleurs, nous avons travaillé de près avec les fonctionnaires du ministère du Travail et d’autres ministères provinciaux afin de multiplier les inspections proactives dans les lieux de travail de Peel. Des équipes multiministérielles se sont ainsi rendues sur place pour contrôler le respect des mesures de protection par les employeurs et donné des contraventions et sanctionné toute inconduite le cas échéant.

 

Volonté d’agir différemment et reconnaissance des différences dans les expériences de vie

Beaucoup de monde dans la région de Peel a un horaire de travail par quarts ou atypique. En raison de cette particularité, nous avons accordé une plus grande priorité aux travailleurs essentiels dès le début de la campagne de vaccination. Nous avons ouvert de nombreuses cliniques mobiles de jour et de nuit afin d’accommoder les quarts de travail et le secteur des transports. Nous avons adapté nos cliniques de vaccination à la nature de certains emplois. Ainsi, les chauffeurs de camion ou de taxi ont pu recevoir leur vaccin sans quitter leur véhicule.

La diffusion de l’information a joué un rôle tout aussi important. Nous sommes l’une des premières équipes des bureaux de santé de l’Ontario à avoir commencé à signaler sur notre site Web les éclosions survenues en milieu de travail par secteur d’activité. Nous voulions en effet nommer les secteurs touchés. Notre équipe de communication a contribué en adaptant l’information à diffuser. Elle a notamment créé une page Web distincte à propos des milieux de travail, en y affichant de l’information et des ressources multilingues. Les gens pouvaient appeler un centre d’information de Santé publique Peel et poser des questions sur les problèmes auxquels ils étaient aux prises au travail. Nous avons dû mettre l’infrastructure en place pour en faire une réalité. Il s’agissait davantage d’une activité de base, mais il s’avère que cela a permis de continuer à faire tourner la machine.

Tous ces efforts découlaient du fait que tout le monde dans la région n’avait pas des chances égales de se protéger.

Les médias d’information ont excellé à faire état des iniquités vécues en milieu de travail afin de conscientiser la population. On sentait une plus grande prise de conscience et un soutien plus solide de la part du public par rapport à la protection des travailleurs, à la prise de mesures pour stopper la propagation et faciliter la vaccination sur les lieux de travail. La classe politique s’est montrée solidaire. Nos maires et nos conseillers municipaux ont d’ailleurs plaidé en faveur de meilleures mesures de protection. Un cri de ralliement s’est même fait entendre sur la question, ce qui a aidé à mettre la protection des travailleurs au premier plan.  

 

À l’écoute de la population pour connaître les améliorations à apporter 

Durant la première vague de la pandémie, nous avions tant à faire pour essayer de comprendre le nouveau virus que, dans une certaine mesure, nous n’avons pas eu beaucoup d’interaction avec la population. Ensuite, lorsque la deuxième vague est arrivée, nous avons remarqué que des personnes se montraient préoccupées par les lacunes dans notre stratégie de lutte contre la pandémie. Nous avons communiqué avec elles, ce qui nous a amenés à ajouter l’engagement communautaire dans les fonctions de l’une de nos médecins hygiénistes adjointes. Nous avons réorienté notre énergie de manière à travailler davantage avec la population. Nous avons pris l’engagement de faire appel à la population et de chercher à comprendre les points de vue, car nous savions que tout le monde n’a pas la même expérience de vie. Nous avons redoublé d’efforts pour accroître notre présence sur le terrain et prêter l’oreille à ce que les gens avaient à dire, ce qui nous a permis d’agir de manière mieux éclairée.

Voilà ce que nous envisageons pour l’aveVaccination Vannir de notre bureau de santé qui a la priorité stratégique de faire avancer l’équité en santé. Vous devez absolument comprendre la réalité derrière les chiffres et la situation sur le terrain, que ce soit par rapport à la COVID-19 ou à d’autres résultats en matière de santé, si vous voulez favoriser l’équité en santé. Et les solutions existent au sein de la collectivité. En vérité, la population est la mieux placée pour savoir si les recommandations ou les consignes ne fonctionnent pas et si le temps est venu pour elle de faire connaître son point de vue.

L’engagement communautaire faisait déjà partie des priorités de Santé publique Peel. La pandémie n’a fait que le décupler. Et maintenant, nous voulons trouver le moyen de continuer sur notre lancée et de tirer parti des relations nouées dans le processus de rétablissement afin d’officialiser cette façon de fonctionner et de travailler en sachant que celle-ci nous a bien servi pour traverser la crise. L’engagement intervient dans les choix à faire et les décisions à prendre pour la collectivité. Il nous a aidés à établir nos priorités en matière de plaidoyer et de programmes à la lumière des tendances observées.

La santé publique fait partie depuis longtemps des pièces du puzzle des services sociaux et de santé au sein de la grande administration régionale. Sur le plan de l’engagement, par contre, nous nous posons des questions sur notre capacité d’intégrer certains éléments dans une approche régionale plus large pour améliorer et harmoniser encore plus notre façon de travailler avec nos partenaires communautaires.

Deux points à souligner en conclusion : l’humilité et la confiance. Lorsque nous avons commencé à faire appel aux gens, beaucoup étaient en colère. Ils disaient même : « vous ne nous avez jamais appelés, vous n’avez aucune idée de ce qui se passe sur le terrain et ainsi de suite ». Nous devions reconnaître d’où venait cette colère : des iniquités et du manque d’attention qui constituent l’ordinaire de la vie des membres des diverses communautés présentes dans notre région. Avancer avec humilité et prendre conscience que vous tendez ensemble vers un but commun, voilà la clé. Et la confiance en est une aussi. Il faut beaucoup d’énergie pour la bâtir. Une fois que c’est fait, vous voudrez la préserver précieusement. Parce que, si vous la perdez, c’est encore plus difficile de continuer votre engagement ou de vous assurer de pouvoir prendre les décisions ou de formuler les recommandations qui attireront la faveur de la population.

 

Leçons retenues :

La protection des travailleurs passe par l’élimination des risques en milieu de travail, la prestation de services de dépistage et de vaccination directement sur le lieu de travail et la solution des problèmes systémiques encore plus graves afin que les travailleurs ne se voient pas dans l’obligation de choisir entre le respect des mesures sanitaires (p. ex., rester à la maison si des symptômes de la maladie apparaissent) ou le chèque de paye.

L’engagement communautaire joue un rôle crucial pour connaître le contexte exprimé par les chiffres et travailler avec des communautés différentes à l’élaboration de stratégies adaptées à leur culture et leur assurant la sécurité à l’intérieur d’une intervention de plus grande envergure.   

Les interventions efficaces en matière d’équité en santé demandent d’établir des partenariats avec les acteurs d’autres sphères de la santé et d’autres secteurs (y compris les gouvernements locaux, régionaux, provinciaux, territoriaux et fédéral; les organismes de santé; les organismes communautaires; les employeurs) et de mieux harmoniser les efforts pour atteindre des objectifs communs.


Contexte : 

Région de Peel – Fournir l’infrastructure et les services sociaux essentiels à 1,5 million de personnes et à plus de 175 000 entreprises dans les villes de Brampton, de Caledon et de Mississauga.


Pour en savoir plus au sujet de la démarche décrite dans le présent récit, adressez-vous au Centre de collaboration nationale des déterminants de la santé au [email protected].

Avez-vous une idée de récit pour l’initiative L’équité en action? Avez-vous entendu parler d’autres initiatives visant à promouvoir l’équité en santé dans le cadre de la lutte pour mettre fin à la pandémie de COVID-19 au Canada? Devrions-nous en parler? Portez-les à notre attention!

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