L’équité en action

Wisdom2Action crée des ressources visant à faciliter l’inclusion des personnes transgenres dans le secteur de la santé

Ce récit rédigé dans le cadre du projet « L’équité en action » est tiré d’un entretien tenu avec Fae Johnstone, directrice générale de Wisdom2Action. La rencontre ayant eu lieu en juillet 2022, il importe de la situer dans son contexte d’alors.

En raison de la transphobie systémique, de nombreux obstacles influencent défavorablement la santé et le bien-être des personnes transgenres du Canada. La COVID-19 a eu pour effet de créer de nouvelles barrières et d’exacerber celles déjà existantes.

Dans les débuts de la pandémie, on faisait souvent référence dans les médias aux communautés à la recherche d’équité ou méritant l’équité. L’information sur ce que vivait les personnes trans dans le contexte de la crise sanitaire se faisait beaucoup plus rare. La situation a changé lorsque les premières données de Trans PULSE Canada ont révélé que les personnes trans étaient susceptibles de faire l’objet de discrimination, de stigmatisation et d’autres formes de rebuffades lors de leurs visites aux cliniques de dépistage de la COVID-19 et aux cliniques de santé en général. Nous disposions enfin de données montrant le besoin disproportionné de la communauté, nous avions une communauté déjà particulièrement vulnérable et puis, dans un contexte où nous aurions dû avoir accès aux services de santé essentiels pour lutter contre une pandémie, nous rencontrions malgré tout d’autres obstacles.

Les données recueillies ont fait prendre conscience à l’Association canadienne de santé publique (ACSP) de l’urgence de mettre en place des interventions ciblées à l’intention des communautés de personnes transgenres et allosexuelles afin d’éliminer toute stigmatisation et discrimination des mesures prises pour juguler la pandémie. L’Association a fait appel à mon cabinet de conseil, Wisdom2Action (W2A), pour y parvenir.

Ancrer notre travail dans le contexte particulier de la COVID-19

Les études sur les pratiques et les concepts d’inclusivité et les outils et les cadres d’action entourant l’équité, la diversité et l’inclusion sont de plus en plus nombreux. Au cabinet W2A, nous avons vite compris que rien de tout cela ne s’appliquait parfaitement bien à la pandémie de COVID-19. Il fallait reconnaître que la situation mettait beaucoup de pression sur les prestataires de services qui étaient sollicités de toutes parts étant donné les changements constants dans les mesures. Tout le monde était à bout d’énergie. Il s’agissait d’une période difficile et nous tentions d’agir pour qu’un plus grand nombre de prestataires se sentent à l’aise de fournir des soins de santé aux personnes trans. Il fallait chercher un équilibre délicat entre faire valoir nos priorités à nous pour l’obtention de soins de santé inclusifs tout en sachant que les prestataires de services de santé devaient déjà composer avec de trop nombreuses priorités. Avoir un million de priorités, c’est comme ne pas en avoir du tout.

Nous voulions par notre travail doter les cliniques et les autres services de santé associés à la lutte contre la COVID-19 des outils et des connaissances nécessaires pour améliorer le sort réservé aux membres de la communauté transgenre qui passent le pas de la porte. En axant notre démarche sur la lutte contre la COVID-19, nous voulions nous assurer que toutes nos ressources soient faciles à mettre en pratique et à comprendre, même en cette période de crise sanitaire.

Notre équipe voulait réussir à combler les lacunes en créant des ressources pratiques et accessibles qui trouveraient écho chez les travailleurs de première ligne et qui refléteraient davantage leur monde. Nous ne voulions pas qu’ils aient l’impression que nous voulions leur faire la morale ou leur « donner des leçons » au sujet de l’inclusion des personnes transgenres. Nous voulions créer des ressources qui inciteraient à agir et qui expliqueraient la marche à suivre pour créer des milieux plus inclusifs, non pas rajouter de l’information à celle déjà diffusée.

Créer des ressources pour l’inclusion des personnes trans avec des personnes ayant l’expérience vécue

Pour créer des ressources axées sur l’inclusion des personnes transgenres, nous avons mis sur pied un comité formé de membres de la communauté et de travailleurs de première ligne dans les domaines des services sociaux et de santé. L’équipe du Centre de santé communautaire du centre-ville d’Ottawa nous a grandement aidés à cet effet. Nous avons même recruté une personne qui travaillait dans le milieu et qui faisait en plus partie de la communauté transgenre.

Le processus suivi pour confirmer la perspective du milieu des services – Que doivent absolument savoir vos collègues? – puis celle de la communauté transgenre – Que devraient savoir les prestataires de services, à votre avis? – a permis d’enrichir la qualité des ressources à tous points de vue. Les produits finis reflètent et comblent les besoins des prestataires de services aussi bien que ceux des personnes trans.

Pour moi, la production de la vidéo destinée à présenter les ressources s’est révélée être le moment le plus marquant du projet. L’une des membres du comité a parlé dans la vidéo de ce qu’elle avait vécu comme femme transgenre en allant à une clinique de dépistage. Elle a ressenti la peur et la stigmatisation d’avoir été morinommée et mégenrée. Son propos a fait ressortir l’importance de l’engagement communautaire pour ce genre d’initiative. Je peux bien protester et dépenser beaucoup de salive pour en défendre la valeur, mais je dirais que les membres de la communauté parlent du cœur différemment. Une personne racontant ce qu’elle a vécu personnellement témoigne mieux de l’incidence positive des pratiques inclusives et du traumatisme susceptible de survenir en leur absence.

Le mandat s’avérait tout à fait dans les cordes de W2A : nous mobilisons des personnes ayant les connaissances issues de leur propre expérience, des prestataires et des chercheurs pour voir la magie qui pourrait opérer ici.

Construire une bonne base par l’entremise d’un partenariat avec la santé publique

Lorsque l’équipe de l’ACSP a fait appel à nous, elle nous a dit : « Nous subventionnerons la démarche, nous réglerons la note, et nous voulons que vous fassiez ce qu’il faut pour atténuer les iniquités observées. » Cette aide précieuse venait avec une marge de manœuvre considérable. Nous avions la souplesse nécessaire pour répondre aux besoins cernés grâce à notre processus d’engagement communautaire, sans avoir d’attentes quant au produit final. C’est de cette façon que les pièces se sont imbriquées parfaitement les unes dans les autres.

Les personnes trans auraient pu facilement tomber dans les craques du système et ne pas faire partie des priorités durant la crise sanitaire mondiale. Il a été possible d’attirer l’attention sur la question et de remédier aux iniquités vécues par la communauté transgenre grâce en grande partie au partenariat avec l’ACSP. La relation déjà établie avec l’ACSP lors des ateliers que nous avions offerts par le passé a grandement facilité le processus.

Les organismes canadiens voués aux personnes allosexuelles ou transgenres ne disposent pas toujours de la capacité et des ressources suffisantes pour s’attaquer aux iniquités dénoncées dans nos plaidoyers. Nous tenons à reconnaître que les services de santé disposent de structures et de ressources que nous pouvons utiliser et qui peuvent nous faire évoluer. Travailler avec la santé publique ne compromet en rien nos valeurs. Cela nous permet simplement d’étendre notre portée. Les relations qui donnent des avantages réciproques et qui profitent tant à la santé publique qu’aux organismes communautaires plus modestes ont un pouvoir magique. Les relations constituent un excellent point de départ à une démarche de ce genre.

Envisager le rétablissement de la pandémie et la suite des choses — de la production des ressources aux fruits à récolter

Notre série de ressources, y compris les fiches d’information, le contenu pour les médias sociaux et les infographies, a gagné en popularité depuis sa sortie. Des organismes de partout au pays en ont vanté les mérites et applaudi le travail. Nos ressources ont servi et continuent à servir de modèles pour montrer de quoi peut avoir l’air la création de ressources ciblées.

Nos ressources ne peuvent cependant pas constituer une panacée à elles seules, à notre avis. Elles sont le fruit d’un effort pour répondre au besoin d’information des gens. Nous espérions qu’elles serviraient aussi à faire surgir des questions sur ce qu’il reste à faire. La communauté transgenre compte pour une infime partie de la population. Peu de personnes trans franchissent le pas de la porte d’une clinique. J’oserais dire que, si elles permettent d’instaurer un climat plus accueillant pour les personnes trans, les pratiques inclusives auront le même effet pour tout le monde. Alors, pourquoi pas? Lorsque vient le temps d’évaluer l’incidence d’une initiative, il ne faut pas mesurer uniquement le nombre de clients.

Nous espérons au bout du compte avoir fait bouger le système un peu, ne serait-ce que légèrement, et amené les organismes de santé publique à voir que les partenariats avec les organismes communautaires favoriseront et guideront la création de ressources et la démarche entreprise. Nous devons réunir tout le monde dans la même salle si nous voulons bien cerner les besoins de toutes les parties prenantes. Voilà un excellent moyen de créer des ressources et des outils que les professionnels de la santé utiliseront et qui contribueront à changer les choses.

Leçons retenues :

	Les relations de longue date permettent de réagir rapidement lorsque les occasions se présentent. Les acteurs de la santé publique doivent continuer d’entretenir des relations de confiance avec les organismes communautaires, avant de devoir intervenir en cas de crise.
	Les partenariats entre les acteurs de la santé publique et ceux des organismes communautaires sont mutuellement profitables : les partenaires apprennent les uns des autres, tirent parti des ressources de l’autre, étendent leur portée et livrent des produits ou des services de meilleure qualité.

Contexte : 

Wisdom2Action est une entreprise sociale et un cabinet de conseil au service d’organisations de la société civile et des gouvernements et vouée au renouveau et au renforcement des collectivités du Canada.

Trans PULSE Canada est un sondage mené dans les provinces et territoires du Canada sur la santé et le bien-être des personnes trans et non binaires.

Le Centre de santé communautaire du centre-ville offre divers services sociaux et de santé aux familles et aux individus qui vivent et travaillent dans la région d’Ottawa (Ontario).

Ressources :

Wisdom2Action : fiches techniques, infographies et autres ressources pour faciliter l’inclusion des personnes trans

Séance plénière de Fae Johnstone lors du congrès 2022 de l’Alliance pour des communautés en santé et intitulée Au-delà de l’inclusion et vers l’équité en santé – l’amélioration de la santé, de la sécurité et du bien-être des communautés 2SLGBTQIA+ (la séance s’est déroulée en anglais).

Pour en savoir plus au sujet de la démarche décrite dans le présent récit, adressez-vous au Centre de collaboration nationale des déterminants de la santé au [email protected].

Avez-vous une idée de récit pour l’initiative L’équité en action? Si vous avez entendu parler d’autres initiatives visant à promouvoir l’équité en santé dans le cadre de la lutte pour mettre fin à la pandémie de COVID-19 au Canada, n’hésitez pas à en informer.

Balises

Accès aux services de santéEngagement communautaireCOVID-19Santé 2SLGBTQI+Méthodes et outilsCapacité organisationnelleSexe et genreStigmatisation, discrimination